TRIBUNE LIBRE
L'Union Européenne telle qu'en elle-même

La mise en place pseudo-consensuelle de l'euro et l'approche d'élections très incertaines relancent avec encore plus d'acuité le débat entre souverainistes et fédéralistes.

Une remarque préalable sur l'idée européenne : l'Europe est devenue, par une manipulation des esprits, un concept univoque. L'Europe se réduit, dans le langage communément adopté, à sa variante fédérale. " Hors de l'UE, point de salut ! " et toute personne qui oserait proposer une autre forme d'organisation européenne se verrait intenter un procès en sorcellerie pour " anti-européanisme ", haute trahison moderne. Avec Maastricht, c'est vraiment l'imagination au placard !

Le fédéralisme, consensus imposé

L'Europe fédérale est l'exemple-même du consensus imposé : en refusant de consulter le peuple français sur le Traité d'Amsterdam, Chirac et Jospin se sont comportés, pour reprendre l'expression du Général de Gaulle, comme des hommes politiques voulant faire " leur petite cuisine sur leur petit réchaud ". L'argument principal de la voie parlementaire pour réviser la Constitution étant le contenu présumé trop " technique " du traité d'Amsterdam. Comme le dit benoîtement Raymond Barre (qui fut commissaire européen dans les années 70) : " Je n'ai jamais compris pourquoi on voulait faire accepter l'idée européenne par l'opinion des pays concernés. ". Comme en d'autres occasions récentes, Monsieur Barre ferait-il preuve de méfiance vis-à-vis de la Démocratie ?

Malgré ce, les gouvernants s'essaient, sans beaucoup de succès, à la rééducation intellectuelle de l'opinion publique : on tente de la convertir au Jean " Monnethésime ". Les procédés utilisés pour ce faire sont multiples : on inonde les Français de clichés infantilisants du type " L'Europe, c'est la paix ", " L'euro fait la force "... On ridiculise et on ringardise les souverainistes présentés comme des vieux staliniens, des gaullistes hystériques ou des croisés intégristes de l'ordre moral. Ce n'est même plus un combat d'ordre idéologique, c'est tout simplement le choix entre un réalisme moderne et une utopie archaïque. C'est le progrès, l'ouverture et la fraternité d'un côté, le nationalisme étriqué et la peur de l'étranger de l'autre. Encore de fausses évidences... En outre, les souverainistes sont culpabilisés : soupçonnés de vouloir mettre fin à tous ce que les père-fondateurs ont " construit " depuis un demi-siècle, ils sont accusés d'être les fossoyeurs de l'Europe, alors qu'ils en sont en réalité les premiers défenseurs.

Un super-Etat européen

Mais surtout, l'argument le plus fallacieux consiste à rendre conciliables préservation de l'identité française et approfondissement de la construction européenne. Cette technique se retrouve aussi bien à gauche (Jospin veut " faire l'Europe sans défaire la France ") qu'au centre et à " droite " (Barnier souhaite " parler à la fois de la France et de l'Europe "). Plus d'Europe pour rendre la France plus forte, c'est en substance le discours des fédéralistes honteux. Or, il existe aujourd'hui une contradiction flagrante entre l'attachement à la Nation, à sa souveraineté et à son indépendance et le militantisme européiste : il faut choisir, la Liberté avec la République Française ou l'asservissement avec l'euro-fédéralisme. En effet, se met progressivement en place un super-Etat européen qui dépossède l'Etat Français de sa souveraineté. Cet Etat européen fait la loi à Bruxelles, rend la justice à Luxembourg et bat monnaie à Francfort.

La secte Bruxelloise

Bruxelles, tout d'abord où est située la toute-puissante et arrogante commission européenne. Cette institution, qui cristallise à juste titre l'essentiel des critiques, a un fonctionnement sectaire et totalitaire. Regroupant les fous de l'Europe, de la secte Jean " Monnethéiste ", la Commission a son gourou : c'est aujourd'hui Santer, ce fut hier Delors, cet homme " politique "qui présente la caractéristique d'avoir peur des électeurs (le suffrage universel, c'est dégradant...) et qui aurait voulu qu'on le nomme Président de la République. Cette secte bruxelloise pratique régulièrement des sacrifices rituels : celui de l'emploi en 1992 et celui de la Démocratie en 1997.

Les adeptes de cette secte sont au nombre de 20.000 : petits fonctionnaires clonés, déracinés, gris , capables de réciter par coeur les arrêts de la sacro-sainte CJCE, incollables sur les spécifications techniques des bordures de trottoirs, mais par contre totalement insensibles aux enjeux nationaux politiques et sociaux : il est vrai que ces mots n'appartiennent pas au lexique de l'européiste consigné dans les " petits livres blancs ". La commission est également le service officiel de propagande : chargés de nourrir les peuples européens à l'européisme à fortes doses après les avoir nourris à la vache folle, les marchands d'Europe leur imposent l'Europe des marchands, l'Europe des marchés financiers et de la concurrence sauvage.

Autre caractéristique totalitaire : la conception très extensive des pouvoirs déjà très importants (exécution, gestion, négociation, proposition et contrôle) qui lui sont conférés par les traités. La Commission a le monopole de l'initiative ce qui signifie qu'elle maîtrise le contenu de la législation communautaire, le conseil et le parlement étant totalement dépendants de sa volonté d'autant plus qu'elle peut retirer une proposition à n'importe quel stade du processus de décision publique. On est donc dans un système complètement bâtard où une institution dispose de pouvoirs législatifs et exécutifs.

Enfin, la commission est une véritable police politique, le KGB de Bruxelles : gare à l'Etat qui enfreindrait les directives communautaires, tables de la loi de l'euro-fédéralisme, les commissaires peuvent faire appel à leurs complices magistrats de Luxembourg.

La primauté du droit européen contraire à la Souveraineté Nationale

Alors que la CJCE devrait être, en toute logique, une simple juridiction internationale interprétant un traité, elle outrepasse ce rôle juridictionnel depuis l'origine et se consacre insidieusement à l'établissement d'un Etat fédéral. Les principes de cette jurisprudence intégrationniste parlent d'eux-mêmes : immédiateté, effet direct, équivalence et reconnaissance mutuelle...

Les arrêts de la Cour sont des choix politiques sous couvert de décisions juridiques. Mais l'essentiel, c'est la supériorité du droit européen sur le droit national que la Cour proclame dans l'arrêt Costa (1964) et développe dans l'arrêt Simmenthal (1978). Face à cette véritable agression juridique, on pouvait espérer une attitude de résistance des juridictions françaises ; il n'en fut rien : après plusieurs années de lutte, le Conseil d'Etat a choisi en 1989 de cesser le combat, il a choisi la voie de la résignation et de la capitulation. Depuis dix ans, il se comporte en véritable valet de la CJCE : de ce fait, le droit national est devenu résiduel, c'est le droit communautaire qui est le droit commun.

Dans quelques années, certes, le droit français continuera à exister. Mais ce sera une survivance du passé, un vestige à l'image aujourd'hui du droit local en Alsace-Moselle. Le Conseil d'Etat continuera de rendre la justice, tel un " Jurassic Park " juridictionnel, un fossile folklorique.

L'Euro contre l'emploi

Pour terminer ce tour d'horizon des institutions européennes, il convient de dire quelques mots de la Banque Centrale Européenne située à Francfort. Son Président, le très germanophile Duisenberg, a déjà fait savoir qu'au mépris du compromis politique franco-allemand (encore un beau succès de Chirac), il ne cèderait pas sa place à J-C.Trichet, sans pour autant provoquer un émoi particulier en France. Imaginez quelques secondes la situation inverse : Trichet refusant de céder sa place à Duisenberg... Les beaux esprits masochistes français n'auraient eu de cesse une bien vieille France, un nationalisme cocardier malvenu... mais là, aucune critique à l'égard du Président de la BCE car si on ne peut pas se livrer à une séance d'auto-flagellation anti-française, ça ne présente pas d'intérêt.

La BCE (son siège et ses fonctionnaires les plus importants) et donc l'euro sont allemands. Mais, ça n'est pas le plus important : en effet, la BCE se fixe un seul objectif : la stabilité des prix. C'est le retour du Dr Schacht ! La monnaie est donc devenue une fin en soi. " Tout, tout, tout, vous ferez tout pour la monnaie ! " , telle est la chanson qu'ont entendue les peuples d'Europe pendant tant d'années. C'est le triomphe d'un monétarisme pur et dur : entre la logique financière et la logique sociale, l'Europe n'a pas hésité une seule seconde. La politique anti-inflationniste de Duisenberg est une politique de petits vieux, étriquée, dogmatique et antisociale. En outre, la BCE n'a de comptes à rendre à personne : elle peut laisser libre cours à son intégrisme monétaire puisque, cas unique au monde, elle échappe à tout conseil et à tout contrôle politique.

On savait que la mise en place de l'euro était néfaste pour l'économie à court terme, on sait désormais que la politique monétaire suivie, ultra-orthodoxe, ultra-rigoriste ne peut entraîner qu'un ralentissement de la croissance et une aggravation du chômage. On allait déjà dans le mur, on y fonce cette fois-ci en klaxonnant ! Enfin, le pacte de stabilité imposé par Kohl rend impossible l'utilisation du levier budgétaire pour relancer l'activité, et conjugué aux harmonisations fiscales communautaires, il interdit toute réforme fiscale de grande ampleur. La France a les mains liées. Ces dispositions font que l'emploi n'est plus la priorité numéro un ; c'est devenu une simple variable d'ajustement au service de la stabilité monétaire !

L'Europe des oligarchies : la Souveraineté limitée

Par conséquent, les faits prouvent que l'UE est une Europe des oligarchies : oligarchies des technocrates, des juges et des banquiers. La France a bradé sa souveraineté politique, juridique et économique au profit d'institutions supranationales, illégitimes et irresponsables à tous les sens du terme. En langage européiste, on appelle ça le principe de subsidiarité ; en bon français, cela se traduit par " théorie de la souveraineté limitée ". La France a autant de marge de manoeuvres que les démocraties populaires en avaient par rapport à la dictature de l'URSS. Les Santer et Duisenberg sont nos nouveaux Brejnev, tout aussi sclérosés, tout aussi sinistres. Cependant, en cette fin de siècle, de nombreux gouvernements de l'UE sont sociaux-démocrates : serait-ce cela l' "Européisme à visage humain " ?

Visiblement pas tant la rose de ces gouvernements est pâle. Très pâle. On pourrait même la croire blanche, symbole du néant intellectuel et idéologique des dirigeants européens. N'ayant rien à proposer, ne disposant d'aucune solution crédible pour faire face à la crise, ils se réfugient dans un mécanisme de fuite en avant en construisant cette Union Européenne. Mais leur Europe ne sera jamais une Europe des hommes : c'est une Europe des choses, matérielle, financière ; une Europe règlementaire qui produit des tonnes de papier ; une Europe alibi du défaitisme et du renoncement, sans âme, qui marque le triomphe de l'idéologie économiste.

L'alliance du cigare et du pétard

Cette Europe séduit néanmoins ; dans les milieux bien-pensants de la gauche caviar et de la droite saumon, elle fait même fureur.

Outre les ondoyants centristes dirigés par les deux crétins des Pyrénées Douste-Blazy et Bayrou, l'Europe est devenue l'idéal de vieux adolescents perturbés, ex-soixante-huitards pervertis, comme Kouchner ou Cohn-Bendit, qui voient, à juste titre, le Fédéralisme européen, comme une première étape d'un fédéralisme mondial. C'est aussi la terre promise des ultra-libéraux et des marchés financiers, des golden boys et des spéculateurs. Cette Europe de Soros et Cohn-Bendit, c'est l'alliance du cigare et du pétard !

Et les citoyens dans tout ça ? Heureusement, ceux-ci ne semblent pas concernés, mais alors pas du tout, par l'europhorie : l'affectivité européenne n'existe pas ; il n'y a aucun sentiment d'appartenance à l'Union Européenne. L'actualité prouve quotidiennement que les " solidarités de fait " souhaitées par Robert Schuman ne sont que des mots : entre une Grande-Bretagne désespérément atlantiste, vassal des Etats-Unis, et une Allemagne qui se sert de l'UE pour mettre en oeuvre son grand dessein historique de Mitteleuropa, la France se doit de rompre radicalement avec la politique européiste suivie depuis 25 ans.

Pour cela , il conviendrait de procéder à une réforme totale des institutions européennes : par exemple, la Commission, doit être ramenée à sa fonction originelle ; elle ne doit être qu'un grand secrétariat général (fonction à la mesure de ces compétences) soumis au politique, et sans monopole de l'initiative des lois. D'autre part, les juridictions françaises doivent reconnaître la primauté du droit national (ce qu'elles ont fait pendant vingt ans) sur le droit communautaire et, au besoin de faire preuve de désobéissance civique et nationale.

Ces deux exemples symbolisent la ligne que doit suivre le changement de politique européenne : la volonté politique nationale prime le juridisme et l'économisme de la technocratie européenne.

Un jour viendra où les Français prendront conscience de l'importance de l'enjeu et de la nécessité d'une autre Europe. Ce jour est peut-être plus proche qu'on ne le croit...

" Ce qui empêche de comprendre, c'est que c'est trop simple. " J.Cocteau

" Il est des heures graves dans l'histoire d'un peuple où sa sauvegarde tient toute dans sa capacité de discerner les menaces qu'on lui cache (...). L'Europe que nous attendions et désirions, dans laquelle pourrait s'épanouir une France forte, cette Europe, nous savons qu'on ne veut pas la faire. Tout nous conduit à penser que derrière le masque des mots et la jargon des technocrates, on prépare l'inféodation de la France, on consent à l'idée de son abaissement.(...) Comme toujours quand il s'agit de l'abaissement de la France, le parti de l'étranger est à l'oeuvre avec sa vois paisible et rassurante. Français, ne l'écoutez pas. C'est l'engourdissement qui précède la paix de la mort. Mais comme toujours, partout des hommes vont se lever pour combattre les partisans du renoncement et les auxiliaires de la décadence. Avec gravité et résolution, je vous appelle dans un grand rassemblement de l'espérance, à un nouveau combat, celui pour la France de toujours dans l'Europe de demain. "

Jean-Marie Le Pen ? Bruno Mégret ? Et non ! Jacques Chirac (06/12/78, appel de Cochin)

François LAGARDE

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