EN AVANT BOURGUIGNONS (4)

 

 

 

 

3.  DUR ET PUR

 

   Quelles mobiles poussèrent John HAGEMANS à verser dans la collaboration militaire en 1942 alors qu'il avait refusé de le faire en 1941 ? Pour comprendre ce cheminement, un retour en arrière s'impose.

   Bien avant 1940, dès 1936 exactement, certains milieux admirateurs de régimes autoritaires avaient estimé que la formation de la Jeunesse, telle qu'elle était conçue à ce moment, pêchait par le cloisonnement, sinon sectarisme. Jeunes Gardes Socialistes d'une part, ACJB d'autre part. Dans cette même ACJB des sections séparées selon les classes sociales, JEC, JAC, JPC, JJI, ne faisaient qu'accentuer ce cloisonnement. Même au sein du scoutisme deux clans rivalisaient, le BP ( neutre ) et les BSB ( catholiques ). Les rexistes, quant à eux, estimaient que la formation ne pouvait se placer qu'au-dessus des divisions, des luttes, les étiquettes politiques et les efforts de propagande.

   Dès 1936, plusieurs tentatives furent faites par un groupe réduit autour du Comte Xavier de HEMRICOURT de GRUNNE, ami personnel du roi Albert, et bien animé d'un souffle tout spécial par John HAGEMANS, étudiant en archéologie folklorique, ex-communiste repenti devenu adepte du VERDINASO. Les avatars du début, les ingérences du clergé notamment, amenèrent Xavier de GRUNNE et HAGEMANS à former un groupement neutre et apolitique, l'A.C.T. ( Association pour le Camping et le Tourisme ) en fait un moyen à peine déguisé pour contourner la loi de 1934 sur les milices privées. 

   La guerre vint interrompre les activité de HAGEMANS. Celui-ci fut fait prisonnier mais libéré rapidement. Après la campagne des 18 Jours, les jeunes que HAGEMANS avait formés se retrouvèrent sans se concerter dans les rangs de REX mais désiraient se différencier des autres corps alors existants et qui selon eux reprenaient les défauts des partis d'avant guerre.

   En décembre 1940, DEGRELLE nomma HAGEMANS Prévôt de la Jeunesse et le chargea d'élaborer celle-ci. C'est donc au sein de REX que fut recréé le mouvement spécifique qui portera le nom de Jeunesse Rexiste. HAGEMANS allait rédiger une Charte de la Jeunesse Rexiste et de ses Serments. L'esprit de discipline y était développé à outrance, PLIER OU PARTIR, telle était la devise.

   En 1941, ces Serments de la J.R. se transformèrent en Organisation de la Jeunesse Nationale-Socialiste ( O.J.N.S. ), le Prévôt affichant de plus en plus une admiration béate pour la Hitler-Jugend - il rencontrera Baldur von Schirach - dont il convoite les ressources pour financer son propre mouvement de Jeunesse qu'il désire imposer comme seule et unique organisation de Jeunesse d'Ordre Nouveau en Wallonie et dont il serait le Chef unique et incontesté.

   En fait, HAGEMANS rêvait de former un jeunesse politique  à idéologie nationale-socialiste basée sur :

   - l'idée bourguignonne, rêve de Joris VAN SEVEREN dont il était un disciple et qui devait conduire à la reconstitution des XVII Provinces ;

   - les Saga scandinaves et islandais  que HAGEMANS n'hésita pas qualifier de " tradition nationale " ;

   - le sentiment national ;

   - le principe selon lequel les Wallons représentaient un type moyen germanique.

 

   C'est dans ce esprit qu'il fut décidé, lors du premier appel pour la Légion Wallonie en août 1941, que la Jeunesse Rexiste partirait en bloc ou pas du tout. Non pas qu'il y eut incompatibilité idéologique - plusieurs chefs insistèrent et pas mal de jeunes désiraient se porter volontaires - mais parce que HAGEMANS et ses responsables, plus particulièrement le groupe liégeois autour du futur chef d'Etat-Major Jean-Pierre QUOIRIN, étaient d'avis que le travail de formation des jeunes cadres n'était pas suffisamment avancé pour permettre l'abandon de ceux-ci devant les....tendances sectaires des politiciens du Parti. Pour apaiser les esprits et faire patienter les plus exaltés, HAGEMANS écrivit :

   [...] Nous sommes vraiment à la pointe du combat national-socialiste dans ce pays. D'ailleurs, cela est logique, normal, juste. N'êtes-vous pas les Fils des volontaires de la Légion, mes camarades ? N'êtes-vous pas les Volontaires de la Légion restés au pays ?

   Les relations de la Prévôté avec la Militärverwaltung n'étaient pas des meilleures. En février 1942, V. MATTHYS fit connaître à John HAGEMANS la teneur d'une lettre émanant de la Kommandantur de Bruxelles par laquelle toute activité politique lui était dorénavant interdite, y compris la direction de la J.N.S. Cette interdiction n'était pas un fait isolé puisque, à la même époque, plusieurs groupements d'Ordre Nouveau se virent opposer la même interdiction. Cette ingérence allemande émanait du département de la Reichsjugendführung qui, contrairement à ce qui s'était passé en Flandre, était mécontent de la lenteur apportée dans les efforts d'une unification de la Jeunesse d'Ordre Nouveau en Wallonie. Des tensions s'étaient développées entre HAGEMANS et le Lieutenant R. HEMESATH, chargé de la coordination des Mouvements de Jeunesse d'Ordre Nouveau.  Dans un courrier adressé à un des ses proches collaborateurs, il se laissiat aller aux constats suivantes :

    [...] Je sors de chez HEMESATH qui part aussi au front, figure-toi ( J'ai presque envie de rester ici du coup ). Il est tout retourné en tous cas, a l'air très sensible à notre volonté de combattre "pour de bon" et a manifesté l'intention d'assister dimanche à notre réunion, puis de voir mon cadre. Je voudrais bien lui laisser une impression de force organisée et surtout que son remplaçant à Bruxelles, dont j'ai fait la connaissance en même temps, a l'air extrêmement bien disposé ( tout autre chose que HEMESATH ) [...].

    La mesure d'interdiction coïncidait étrangement avec un revirement spectaculaire dans l'attitude de HAGEMANS. Alors que le 1er février 1942, dans un article paru dans le Pays Réel, il était encore question de la "Légion de dedans", à peine quinze jours plus tard, HAGEMANS lançait son appel pour le front de l'Est. La décision était tombée le 10 février 1942. Dans une lettre confidentielle à son adjoint direct, il annonça :

    [...] il faut que nous, J.N.S., nous soyons les premiers à répondre, cette fois, à l'appel pressant du Chef ! J'ai décidé que notre action se manifesterait désormais par la présence d'une groupe de combat ( 150 hommes ) à la Légion. Nous aurons l'honneur de combattre en unité autonome sous l'étiquette de la J.N.S. Décision très grave, mais qui est EXACTEMENT dans la logique de notre action   [...]. Plus loin encore [...]  il me faut 150 engagements [...] je suis fort sceptique sur nos possibilités [...] je désire parler dimanche ( 15.02 ) aux J.N.S. liégeois et alentours. Il faut que tous les J.N.S. y soient... les étudiants de l'Association des Etudiants Wallons ( ADEW) de Léon DEBOTTE doivent ( tu parles ) m'entendre aussi ce même dimanche, évidemment pas ensemble car tu connais la susceptibilité des gens antirexistes qui s'y cachent. [...] ne rien dire ou faire savoir, par quel moyen que ce soit, à ma femme, que je préviendrai samedi [...].

 

    Tout comme DEGRELLE en 1941, HAGEMANS, poussé par les événements, n'eut plus d'autre moyen de sauvegarder son oeuvre que de faire un détour par la collaboration militaire. 

    

    

© Eddy DE BRUYNE / Mars 2000 - adapté d'E. De Bruyne - Les Crises internes de la Légion Wallonie - . Thèse388. CEGES ( Bruxelles )1990.

 

 

 

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