QUELQUES REFLEXIONS AU SUJET DU RECRUTEMENT EN FAVEUR DE LA  LEGION WALLONIE

 

       

 

          Fin décembre 1942, après dix-sept mois d'existence, le Wallonische Infanterie Bataillon 373, mieux connu sous l'appellation de Légion Wallonie, était exsangue. Des 3.034 hommes qui s'étaient enrôlés dans ses rangs depuis sa création en juillet 1941, 178 rescapés des diverses campagnes à l'Est débarquèrent à Bruxelles le 17 décembre 1942 tandis que 150 autres légionnaires, appartenant au second contingent du 10 mars 1942, étaient restés en arrière-garde dans le Caucase.

        On était loin du retour triomphant prédit par Léon Degrelle lors de ses diverses allocutions et appels dans la presse. D'ailleurs, la Militärverwaltung n'était pas dupe ! En accord avec le Mouvement de Rex, elle était d'avis qu'il valait mieux éviter toute manifestation publique à l'occasion de ce premier retour des légionnaires wallons !

 

        Maintenant que la source rexiste et d'Ordre Nouveau en Belgique était tarie, les possibilités de recrutement se réduisaient considérablement. Les Formations de Combat, qui en mai 1941 affichaient encore trois brigades de 2.295 militants jeunes et enthousiastes ainsi qu'une brigade motorisée de 2.000 hommes et une réserve appréciable, avait été écrémée. Le 18 février 1943, elles ne comptaient plus que 786 hommes ( 12 officiers, 2 officiers assimilés, 46 sous-officiers et 723 hommes de troupe ), pour la plupart des hommes âgés dépourvus de toute allure martiale. Restait le réservoir en Allemagne même : les ouvriers volontaires d'abord et ceux astreints au travail obligatoire ensuite, sans oublier les prisonniers de guerre dans les divers Stalags et Oflags.

 

        Le 13 mars 1942, le Major von Prittwitz, responsable à Berlin des services de recrutement des volontaires européens, s'informait auprès de son subordonné à Bruxelles, le Major Baumann du Kommandostab Z ( ce service assurait la liaison entre les autorités allemandes et les formations militaires et paramilitaires à la suite de la Wehrmacht ), des mesures qu'il convenait de prendre pour étoffer le bataillon wallon après les dures pertes de la première campagne d'hiver : 115 hommes hors de combat ( 39 morts, 60 blessés et 16 disparus ) sur une force combattante de 350 hommes. De l'avis de Bruxelles, la seule issue possible était de favoriser la libération des prisonniers de guerre rexistes. De cette manière, on espérait pouvoir renforcer le bataillon affaibli d'au moins une à deux compagnies. L'Etat-Major de liaison allemand auprès de la Légion fut chargé de dresser un bilan de la situation et de la soumettre aux services de von Prittwitz qui se chargerait alors de la transmettre à ses supérieurs.

        Il est vrai que jusqu'alors l'apport en effectifs recrutés dans les Stalags avait été insignifiant, voire nul. Ainsi, le relevé mensuel des enrôlements pour le mois d'avril 1942 renseigne le chiffre de 274 volontaires. De ce nombre, 162 avaient été enrôlés en Belgique ( dont 22 légionnaires démobilisés réactivés ) et seulement 17 hommes avaient pu être recrutés en Allemagne ; 9 parmi les ouvriers et 8 prisonniers de guerre.

        Le Mouvement rexiste était bien sûr également très sensible au problème des prisonniers de guerre. Dans le courant du mois de juin 1942, Victor Matthys (1), Paul Colin (2), Madame Degrelle et Alfred Lisein, futur Chef des Cadres Politiques ( octobre 1942 ), se rendirent à Berlin. Lisein, ex-officier légionnaire, avait été démobilisé après les combats de Gromowajabalka en mars 1942. Le groupe était accompagné du lieutenant Léon Degrelle. Alfred Lisein s'était déplacé pour se plaindre auprès du Chef du non respect de certaines promesses faites lors de la mise sur pied de l'unité, celle des indemnités allouées aux familles des légionnaires étant la plus préoccupante. Comme Lisein avait été le commandant de Cie de Degrelle lors de combats de février 1942, on pensait qu'il était l'homme tout indiqué pour s'acquitter de cette mission délicate auprès de Degrelle. Il dut déchanter. Degrelle, moins intéressé par les doléances de Lisein que par la perspective d'une libération des prisonniers de guerre rexistes, cherchait à obtenir, à Berlin, un résultat dans ce domaine sous forme d'une document écrit.

        Dans la capitale du Reich, ils s'adressèrent tout d'abord au Comte 't Serclaes de Wommersom, Commissaire aux prisonniers, qui les renvoya à la Wilhelmstrasse, dans un service allemand.  Il y fut accessoirement question du sort que les Allemands comptaient réserver à la Belgique après la victoire allemande. De ces entrevues, il apparut très vite qu'aucune garantie ne serait donnée ni pour l'avenir de la Belgique, ni pour la libération immédiate des prisonniers, contrairement aux promesses lors de la formation de la Légion Wallonie.

        A la mi-décembre 1942, profitant du premier congé accordé aux légionnaires, et avant de rejoindre la Belgique, Degrelle fit un détour par Berlin. Pour l'occasion, il s'était fait accompagner de l'officier de liaison de l'époque, le Hauptmann Dr Erich von Lehe.

        Les tractations avec la Wehrmacht concernant la libération des prisonniers n'avaient donné aucun résultat. En outre, la demande formulée par l'Etat-Major wallon de pouvoir enrôler des Français avait été rejetée par l'O.K.H. au début du mois de décembre 1942. Motif : l'enrôlement de Français était susceptible de perturber l'esprit de cohésion de l'unité ( Die Aufnahme von Franzosen ist geeignet den einheitlichen Geist der Legion zu stören ).

        Devant le mauvais vouloir de la Wehrmacht à lui donner satisfaction, Degrelle allait se détourner de celle-ci et mettre en œuvre des moyens plus spectaculaires.

        Sur ces entrefaites, Victor Matthys et José Streel arrivèrent également dans la capitale du Reich. A Berlin, ils rencontrèrent le correspondant local du Pays Réel, l'historien teinté de germanolâtrie Léon Van Huffel (3) qui introduisit Léon Degrelle dans les hautes sphères de la SS. José Streel devait déclarer par la suite que […] Degrelle en revint littéralement transformé. C'est comme si un marché nouveau venait de se révélé à lui. On avait réussi à le persuader que l'avenir était à la SS et que seuls ceux qui avaient son appui pourraient jouer un rôle […].

        Déjà Degrelle se sentait appelé à jouer un rôle dont l'éclat dépasserait bientôt le rayonnement des Staf De Clercq et autres Mussert.

        En réalité, Degrelle avait côtoyé jusqu'alors non pas la SS mais la Waffen-SS. Dans le courant de l'automne de 1942, dans le Caucase, il avait fait la connaissance du général Felix Steiner, le futur promoteur d'une armée européenne et pour l'heure commandant de la division  Wiking composée de volontaires flamands, hollandais et scandinaves. Degrelle avait immédiatement pressenti les avantages qu'il pourrait tirer d'un transfert vers cette arme. La Waffen-SS, contrairement à la Wehrmarcht réactionnaire, recrutait sur base du volontariat. Y appartenir refléterait à coup sûr l'image du soldat révolutionnaire et augmenterait son prestige personnel. Bien plus encore qu'à la Wehrmacht, la révolution des âmes se ferait à la Waffen-SS.

 

        Fin septembre 1942, il avait été question, à la demande discrète du Chef de Rex, d'incorporer la Légion Wallonie dans la Waffen-SS en la transférant de la 97.Jäg.Div, à laquelle elle était tactiquement rattachée, à la division Wiking. A cette occasion, Degrelle s'était vu opposer un refus du Général Ernst Rupp, commandant de la 97..Jäg.Div.

        Cependant, les rumeurs s'étant ébruités, le Major Meyer des services von Prittwitz n'allait pas tarder à interroger le Major Baumann du Kommandostab Z, le 29 décembre 1942, sur la question de savoir si Bruxelles avait eu connaissance des tractations entre Degrelle et les responsables de la Waffen-SS.

        Degrelle s'était trouvé un nouveau rôle. Etant à la Légion et y ayant conquis des décorations et des grades, il estimait que dorénavant plus rien ne compterait en dehors de la Légion. Alors qu'aux yeux de l'Etat-Major de Rex la Légion n'était qu'un moyen parmi d'autres à mettre au service de la Collaboration, celle-ci devenait, dans le chef de Degrelle, le seul élément digne d'attention, une fin en soi, vers laquelle devaient converger toutes les forces disponibles en y drainant le plus de monde possible. Au sein de l'Etat-Major de Rex on chuchotait que Degrelle venait de découvrir la vie militaire et son action éducatrice et […] qu'il fallait qu'il fît " bénéficier " tout le monde de sa découverte […].

        A la mi-décembre 1942, le Chef de Rex revint à la charge en proposant cette fois la libération d'un prisonnier de guerre wallon pour chaque légionnaire tué, blessé ou hors de combat. Il était de même question que tout prisonnier de guerre wallon qui souscrirait un engagement dans la Légion Wallonie aurait le privilège de faire libérer un parent proche.

 

( à suivre )

 

        © Eddy De Bruyne, adaptation de Le Recrutement dans les Stalags et Oflags en faveur de la Légion Wallonie, CEGES, 1998.

 

 

  NOTES

   

   1. Chef du Mouvement de Rex a.i..

   2. Historien, journaliste et directeur du Nouveau Journal et Cassandre. Il s'affilia à Rex en ocotobre 1940.   Tué par la Résistance le 14 mars        1943.

   3. Auteur, entre autres, d'une étude intitulée La Wallonie et le Monde Germanique publiée aux Editions La Roue Solaire, Bruxelles, 1944.  

 

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