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Henri DURVILLE
L'Harmonie |
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"Dans ma retraite solitaire, du haut de mon rocher, en contemplant ce site si plein d'enseignements pour moi, je pense. Les heures méditatives s'écoulent loin du bruit humain et la vie, non telle que la font nos absurdes conventions sociales, mais telle qu'elle devrait être en réalité m'apparaît douce, calme, harmonieuse. |
Ici, dans ces hauteurs, point de bruit inutile, aucune lutte, car tout élément dispose des moyens indispensables à sa durée et à son évolution. Ici, dans la splendeur de cette heure magique, rien ne cherche à primer, à dominer, à éblouir; la sérénité magnifique du paysage n'admet même pas la pensée de cette lutte vaniteuse. |
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La vie des hommes que leur nature appelle à vivre en collectivité devrait être une harmonie de même sorte; une marche parallèle, silencieuse, rythmique; une série d'efforts successivement isolés et collectifs de chacun vers le mieux-être de tous et des tous vers le mieux de chacun; un travail fraternel sans lucre et sans dispute; un épanouissement joyeux au sein de la Nature maternelle, qui nous sourit dans sa beauté et qui nous offre, dans la perfection de sa force, l'exemple d'une vie meilleure. | La mer est calme et son flux apaisé incite au calme notre sang qui se rythme dans nos veines et nos pensées qui suivent un cours plus limpide. Elle est calme, mais elle dissimule des forces immenses, qui nous semblent infinies, tant elles sont disproportionnées à notre faiblesse. La mer peut, dans un instant, sous une impulsion inconnue, devenir furieuse, mais, après la tourmente, ses grands flots reprennent leur calme; elle ne garde ni perfidie, ni rancune. |
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Pourquoi nos luttes, en admettant qu'elles soinet nécéssaires et inévitables, ne finissent-elles pas de la sorte? Tout vit, dans la Nature, d'un rythme merveilleux. Pourquoi les êtres supérieurs, qui sont nés de ce rythme, ont-ils cet appétit fiévreux de jouissances, cette cupidité des passions, cette haine qui les pousse au mensonge, à la dissimulation? Pourquoi tant de luttes brutales et féroces pour des biens qui, à tout prendre, ne présentent qu'une minime utilité? |
Le coeur s'endurcit à ces luttes; on veut être le premier, le maître en toutes choses; on fait étalage de ce que l'on sait, même de ce qu'on ne sait pas; si l'on ne peut pas séduire, on veut forcer, asservir les autres, les contraindre à collaborer à notre propre élévation. On veut, pour mieux jouir, écraser ceux qui se trouvent devant soi. On ne veut pas d'une paix sans victoire. |
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Triste spectacle que celui du flot humain balayant et entraînant tout sur son passage, sans autre utilité qu'un peu de mirage et un peu d'écume et où périra celui même qui a déchaîné ces désastres. Dans le monde, l'orgueil règne en maître. Faute d'une vue suffisamment étendue, lui permettant de discerner d'autres forces, d'autres mérites peut-être supérieurs au sien, l'homme se croit le centre du monde et il souffre moins du combat qu'il subit pour se maintenir à cette place que la déception que lui montre son erreur. |
Des hauteurs où je suis, combien la vue est différente! Que sont les vaines ambitions de l'homme devant cette immensité? Devant la mer sans bornes et le ciel infini, l'homme reconnaît sa réalité, se voit un être infime, une cellule, un rien perdu dans le grand Tout, riche seulement de ses possibilités que la pensée dévoile. Dans le monde, l'être ne cherche que sa satisfaction égoïste; l'être humain ne pense qu'à jouer des coudes, à bousculer tout ce qui se trouve devant lui, à se procurer des jouissances, attirer des affections dans le but d'en tirer son plaisir, fût-ce pour les briser. Il ne sait pas qu'en se dégageant de ces idées purement terrestres, des buts autrement vastes et séduisants pour son esprit vont se découvrir à ses yeux. " |
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"Certes, nous vivons tous d'une vie étroite, déformée. Nous sommes entourés d'effluves merveilleux que nous devrions respirer et nous étouffons, sans force, usées avant d'avoir agit. Nous devrions connaître la douceur de l'âme, l'épanouissement du coeur. Nous devrions vivre le rêve que formait notre jeunesse alors que les coeurs désséchés à qui nous nous efforçons de ressembler nous estimaient chimériques, alors que tout nous souriait, parce que nous rayonnions la bonté. | Tous ces gens, qui ont renié leur rêve, gravitent, inconscients, ignorants des Lois qui nous gouvernent; ils ne soupçonnent pas quelles puissances soutiennent l'homme quand il unit sa force au Rythme éternel. Mais ils se sont faits les esclaves de la société qui leur a créé des besoins factices, qui les anime d'un vain désir de lucre, des désirs avides pour des satisfactions meurtrières qui se fanent sitôt cueillies et ne laissent entre leurs mains que les feuilles mortes, la satiété, la vie morne qui les rends avant l'âge plus moroses que des veillards. Sans nul but élevé, leur vie a été creuse. Ils ont effleuré l'amour, ne lui demandant que le plaisir, et l'amour est passé, les abandonnant au découragement. Ils sont seuls et sans forces. |
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Ils n'ont pas su découvrir les aliments insipensables à leur Coeur et à leur Esprit. Leur Esprit n'a pas d'Idéal, de haute conception pouvant leur servir de phare sur cette mer décevante. Ils n'ont jamais su aimer et leur Coeur s'est flétri avant de fleurir. Ils n'ont espéré qu'en leurs bas instincts. Ils en ont cueilli les fruits amers. Ils ne connaissaient pas l'Harmonie, la Stabilité, la Joie profonde qui ne peuvent nous être donnés que par le développement rythmique de tous les éléments dont se compose l'être humain." |
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Henri
DURVILLE La Victoire sur le Mal ~Notre monde intérieur et ses forces inconnues, 1921 |
«...J'étais venu au bord de la
mer pour me reposer des fatigues de la ville. C'était
par un jour de gros temps, et dès les premières heures
j'avais gagné la côte. Assis sur un rocher escarpé, la
mer, près de moi, se ruait furieusement vers la rive, à
l'assaut des récifs.» «...Sache-le, il n'est point de douleur que l'on ne puisse calmer; il n'est point de doute qui ne se dissipe; il n'est aucun tourment du coeur, si grave soit-il, aucun désarroi de l'esprit, quelle qu'en soit la pesanteur, auquel on ne puisse porter remède; il n'est aucune ombre qui ne puisse s'éclairer.» Henri
DURVILLE |