TRIBUNE LIBRE
A quand la chaine unique, le journal unique ?

Afin d'assurer leur propagande, les etats totalitaires d'autrefois se servaient d'une television et un journal unique afin que les deux puissent dire la meme chose. Ces methodes, alors balbutiantes, ont ete, depuis, nettement ameliorees.

Aujourd'hui, il y a plein de televisions et de journaux qui font mine d'etre differents, alors qu'en fait, ils disent tous plus ou moins la meme chose. 

Joseph Goebbels, qui etait un peu le Jacques Seguela de l'epoque, assurait : «la bonne propagande ne doit pas ressembler a de la propagande.» La lecon semble n'avoir ete qu'a moitie retenue.

Depuis dimanche dernier, il n'y a plus qu'un seul et unique sujet sur les ondes : Le Pen et ses electeurs.

A l'exception notable de Patrick Poivre d'Arvor et de Daniel Bilalian, qui tentent, vaille que vaille, de raison garder, il nous faut donc savoir que Le Pen est une sorte de croisement entre Jack l'eventreur et le monstre du Loch Ness, mais en moins urbain.

Quant a ses electeurs, ils seraient a la fois, chomeurs, peu fortunes, passablement incultes, largues par la modernite, retifs a Internet et a la construction europeenne. Frileux a l'egard du monde exterieur, ingrats vis-a-vis des merveilles deployees par le gouvernement Jospin cinq ans durant : des salauds de pauvres, en quelque sorte, auxquels il serait urgent et bienvenu de retirer le droit de vote. J'exagere a peine.

D'un autre cote, je me demande s'il s'agit la de la maniere la plus pertinente de convaincre le meme peuple de voter pour d'autres que Jean-Marie Le Pen. Cet etat d'esprit est evidemment encore plus manifeste sur Canal Plus, la ou un areopage de vedettes du showbiz se foutent, en direct et tous les soirs, de la gueule des croquants lepenistes, trop fauches pour partir en week-end dans le Luberon. Vive la sociale !

D'ailleurs, ceux qui se lamentent sur l'absence de Lionel Jospin au second tour etaient probablement dans le Luberon, dimanche dernier, plutot que d'aller voter. 

Une derniere image pour finir, marquante entre toutes, cette semaine. Celle d'une reunion de SOS Racisme dans un restaurant parisien ou le cafe doit couter le prix d'un plat du jour dans un relais routier, ou etaient reunis Michel Boujenah, Pierre Berge, Danielle Mitterrand, Mazarine Pingeot et une poignee d'autres milliardaires. 

Il parait qu'ils etaient en train d'entrer en resistance. Les anciens du Vercors ont du apprecier. Si nous triomphons le 5 mai, il faudra songer a remercier tous ces devoues suppletifs, sachant que nous leur devrons une bonne part de la victoire. 

Beatrice PEREIRE

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