TRIBUNE LIBRE
D'un terrorisme l'autre

Voilà bientôt quarante ans que la France a volontairement abandonné l'Algérie aux mains du FLN, cette organisation qui s'est imposée par l'un des terrorismes les plus barbares du vingtième siècle.

Quoi ? Encore la nostalgie de l'Algérie Française ? diront certains. Eh bien non : Même pas. Car même parmi les plus fervents partisans de l'intégration de l'Algérie à la France, l'hypothèse de l'abandon de ce territoire et de sa transformation en un état indépendant n'était pas blasphématoire. Témoin le livre de Jacques Soustelle : "L'espérance trahie" (1961) dans lequel cette hypothèse est explicitement envisagée par l'auteur, dans sa longue analyse de la fameuse rébellion menée par Lagaillarde (la "journée des barricades'' à Alger) ; ce qui prend tout son sens si l'on sait que Soustelle était alors membre du gouvernement de de Gaulle et, se refusant à perdre espoir, l'est resté après cette rébellion ; ce qui prouve que l'ancien résistant de la première heure Jacques Soustelle, que les marxistes ont caricaturé comme "ultra'' et "fasciste'' dès 1958, n'était pas effrayé par l'indépendance de l'Algérie en tant qu'indépendance.

Ce que Soustelle, ce démocrate authentiquement antifasciste, n'admettait pas, ce n'est pas une éventuelle indépendance de l'Algérie (bien qu'il lui préférât de loin l'intégration de l'Algérie à la France). C'était qu'on accepte de négocier le sort de l'Algérie avec le FLN, qu'il considérait pour ce qu'il était réellement : Une organisation d'assassins qui n'avait progressé que par la terreur, exercée principalement sur les masses musulmanes pour les dissuader de rester françaises. Inutile de revenir ici sur le caractère bestial, inhumain, dément, abominable, répugnant, sordide, hideux, inacceptable de ce terrorisme-là. Le dernier livre d'Alain Sanders "Torture, vous avez dit torture ?'' n'en donne qu'une très faible idée. Aucun homme d'honneur ne pouvait accepter de s'asseoir d'égal à égal à une table aux côtés de représentants de cette organisation de cauchemar, lui conférant par là une représentativité inespérée et une légitimité inconcevable. Rendons ici hommage à Pierre Messmer, qui a récemment redit que depuis Evian, il n'a jamais voulu remettre les pieds en Algérie "parce que ce pays sanguinaire me fait horreur", a-t-il précisé.

Je m'honore de n'avoir jamais accepté cela dans mon coeur ; d'avoir maudit toute ma vie les hommes qui ont trouvé je ne sais comment le triste courage de le faire; d'avoir pleuré toute la nuit du 19 mars 1962, la radio collée à mon oreille à l'affût de je ne sais quel coup de théâtre; et d'avoir encore pleuré le 26 mars 1962, quand des civils français innocents furent mitraillés à bout portant rue d'Isly à Alger par les bourreaux du FLN, laissant sur le pavé plus de cent morts et le double de blessés, dont la présidente actuelle de l'association sur le 26 mars 1962, seule rescapée de sa famille qu'elle a vu achever sous ses yeux à coups de balle dans la nuque. Depuis, il m'a bien fallu vivre et chasser ces atroces événements de mes pensées. Mais je n'ai jamais oublié, et je n'oublierai jamais. Seule ma mort effacera l'horreur que j'ai de ces terroristes du FLN, auteurs de crimes contre l'humanité et dont Jacques Soustelle rappelle, dans son livre cité, que leur plus haute instance dirigeante comportait au moins deux partisans avérés des nazis.

Depuis quarante ans, chaque fois que j'ai eu à évoquer ces événements, j'ai invariablement soutenu qu'on ne doit JAMAIS négocier avec des terroristes, sinon par tactique pour les tromper et mieux les éliminer. J'ai invariablement soutenu que négocier avec des terroristes, c'est construire les cercueils des prochaines victimes du terrorisme, c'est engendrer, en maints endroits de la planète, de nouvelles organisations de terroristes, galvanisées par cette réussite, toujours plus cruelles, plus criminelles, plus audacieuses. Négocier avec des terroristes, c'est légitimer le chantage, c'est démontrer de manière éclatante que le crime paie. Oui, le crime paie, pouvaient se dire à bon droit les chefs de la bande FLN, le soir d'Evian.

Oui, le crime paie, doivent sans doute se dire certains hommes masqués, aujourd'hui en Corse. Il n'y a qu'un endroit au monde où jusqu'ici, le terrorisme n'a jamais payé : C'est Israël. On peut penser ce qu'on voudra de la politique israélienne et de l'injustice faite à certains palestiniens, il n'empêche que les israéliens ont raison de ne pas céder un iota sur ce principe : Pas de négociations sans reddition préalable du terrorisme. Si nous avions appliqué ce principe avec la même ténacité et la même intransigeance qu'eux depuis les années 60, peut-être n'aurions-nous pas à déplorer aujourd'hui les milliers de morts de New-York.

Depuis le 19 mars 1962, à combien se monte le cumul des victimes du terrorisme de par le monde ? Voilà une statistique nécessaire, et dont le résultat est sans doute accablant.
J'ajoute: Et combien de ces victimes auraient-elles pu être épargnées si l'on n'avait jamais accepté de négocier avec des terroristes à Evian ?

Et voilà qu'aujourd'hui, suite au massacre de New-York du 11 septembre 2001, on découvre soudain que l'ennemi à abattre, c'est le terrorisme. Les Etats-Unis, prêts à aider de Gaulle en avril 1961 contre les "généraux factieux" qui refusaient de négocier avec les terroristes FLN, s'avisent aujourd'hui qu'il faut châtier non seulement les terroristes, mais selon sa propre expression "tous ceux qui les protègent". A la bonne heure ! Mieux vaut tard que jamais !

Il semble que les USA s'orientent vers une action de débusquage du chef terroriste Ben Laden, très certainement caché en Afghanistan. Pour faire appréhender l'immense difficulté de la tâche, je ne peux que renvoyer à l'article de Christian Daisug paru ce 19 septembre 2001 dans "Présent". Imaginez l'écheveau pyrénéen, mais mille à deux mille mètres plus haut, sur une étendue couvrant la France plus la Suisse et le Bénélux, exclusivement peuplé de paysans rompus au maniement du fusil depuis la plus tendre enfance, capables depuis l'âge de huit ans de tuer un aigle en plein vol à cent mètres d'une seule balle...Et un chef terroriste continuellement escorté d'une garde rapprochée équipée des armes les plus modernes, capables de faire sauter un char d'assaut à deux cents mètres, changeant chaque jour de cachette, bénéficiant d'un appui inconditionnel et total de la population, détenteur de capitaux parfaitement mobilisables au Yémen, au Soudan, en Afrique du sud, au Kenya, au Pakistan, dans les émirats...Et bénéficiant de l'adulation de presque tous les gamins musulmans du monde, y compris dans les zones de non-droit français, où son coup au but New-Yorkais a été mémorablement fêté...Et au Pakistan, dont on assure que les chefs ont promis leur appui aux USA, des enfants vendent, à l'entrée des mosquées, des coiffures islamiques décorées d'un côté par le portrait glorifié de Ben Laden et de l'autre par deux fusils entrecroisés ! (La photo circule sur le web).

Autant dire que le président Bush va se trouver devant un problème assez voisin de celui qu'ont eu à résoudre nos "prétoriens" dans le bled entre 1954 et 1961, mais cette fois-ci à une échelle bien plus vaste, multipliée par tous les relais islamistes que les occidentaux ont follement laissé s'installer un peu partout chez eux. Certes, les moyens logistiques actuels n'ont rien à voir avec ceux de l'époque : Satellites d'observation, super-ordinateurs, bombes intelligentes, visions de nuit, armes à laser....Cela suffira-t-il à faire une "guerre propre" à ce nouveau terrorisme ? Ou allons-nous assister à une ré-édition de la bataille d'Alger revue et augmentée ? Pour se faire une idée de la réponse à ces questions, ne faut-il pas méditer l'exemple israélien ?

Quoiqu'il en soit, on souhaite bien du plaisir à ceux qui seront chargés de débrouiller la portion française de l'écheveau. La photo de celui des pilotes auteurs du massacre de New-York qui venait de France s'étale partout dans la presse. Les pensées qu'elle suggère, compte tenu du tout récent drame de Béziers et de l'incendie de l'église Ste Bernadette de Limoges, font froid dans le dos.

Gérard Cazenave

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