Le Loup et les Brebis

À la fin d’un beau jour, le soleil se couchant
Et la brise d’été, au midi, se levant,
Une accorte brebis s’alloit, dedans un champ,
Broutant l’herbe fraîchette au parfum alléchant.

Un loup brun à l’œil noir, qui passoit à l’entour,
S’approcha par surprise et lui tint ce discours :

« Holà, folle brebis, que fais-tu donc céans ?
Ignores-tu, drôlette, que sur ceux de ton sang
J’ai entière licence de prélever, le soir,
Une large portion, bref, un droit d’abattoir ? »

Et les crocs en bataille, il s’élança sur elle,
Se pourléchant déjà de dévorer la belle,
Mais, de haine pétri, l’abominable sire
La tourmenta longtemps avant que de l’occire.

Ainsi fit-il six fois ou même davantage
Avant qu’un louvetier, lassé par tant de rage,
Parvînt à l’attraper et à le mettre en cage
Pour qu’enfin, au pays, cessât un tel carnage.

Lorsqu’il fallut juger le sadique animal
Et qu’on l’introduisit devant le tribunal,
Il affecta l’onction, le remords, la douceur,
Échappant de la sorte aux dernières rigueurs
D’une cour magnanime, d’ailleurs acquise aux loups,
D’autant que les moutons y sont chargés de tout.

Il sera élargi avant l’heure, on le sait,
Grâce à quoi le coquin pourra recommencer.

Mais qui l’ignore encore ? Ainsi va la justice
En ce pays livré aux obscures milices !

Le plus beau de l’affaire est qu’à aucun moment,
Ni pendant, ni après l’indulgent jugement,
Nul n’osa faire état d’une chose étonnante
Pour quiconque a gardé une tête pensante :

Comme ses congénères, ce basané boucher
(Par hasard, à coup sûr, point ne faut en douter !)
N’assassinoit jamais que de blanches brebis
Et ménageoit ses louves d’Afrique ou d’Arabie…

« Eh quoi, va-t-on me dire, est-ce point très normal
Qu’à ceux d’une autre race, on veuille quelque mal ? »

« Si fait, rétorquerai-je, et le moment venu,
Puisque vos châtiments sont tellement menus,
La tendre gent ovine aura bien retenu
Cette loi toute empreinte de Vérité nue !… »

p.c.c. : Stofflet

(Dédié à la mémoire des malheureuses victimes de trois bêtes fauves réputées être autant de « chances pour la France », selon la formule crapoteuse du collabo Bernard Stasi : Thierry Paulin, Ahmed Rezzala et Guy Georges, dont deux, du moins, ne violeront, ne tortureront et n’assassineront plus jamais personne, le troisième devant s’attendre à sortir un jour de cage, avec tous les risques que cela comportera… pour lui !)

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