Les hyènes et l'éléphant

Dans la savane impitoyable
Hantée de fauves effroyables,
Un vieil et géant éléphant,
Ayant marché sur une épine,
Se déplaçoit en claudiquant
À la manière éléphantine.

Une horde de hyènes, avisant sa démarche,
Et ses ans si nombreux qu’ils sembloient à leur terme,
Entama une ronde autour du pachyderme,
Et s’esclaffa bien haut de ce lent patriarche
Pourvu d’un si épais, mais si tendre épiderme.

La moins couarde de toutes, la plus féroce aussi,
L’attaquant par derrière, d’un jeu de crocs précis,
Le mordit tout soudain où son pied s’étrécit.

Cela galvanisa l’engeance cauteleuse,
Que l’envie de festin rendoit audacieuse.

Hurlant comme l’enfer, les hideux animaux,
Lardent ici et là les maints replis de peau,
Harcèlent sans répit l’infortuné pataud,
Se dérobent, reculent et montent à l’assaut.

Mais, réveillé, le solitaire,
Saisi d’une sainte colère,
Abandonne sa patience,
Lève ses terribles défenses
Et, barrissant à perdre haleine,
Remue sa masse herculéenne.

D’un boutoir acéré, il transperce une panse.
De l’autre, déchaîné, il fracasse une tête.
De son membre nasal, tout en souple puissance,
Il enserre le col d’une robuste bête,
L’étrangle proprement, puis la jette à six toises.
Dans le même moment, d’autres lui cherchent noise,
Qu’il broie telle une pâte sous un poids titanesque
Ou qu’il balaye du pied, les faisant voler presque.

Les rares survivants, qu’enrage le dépit
À la vue de leurs pairs convertis en charpie
Ou encore étalés tels de rouges tapis,
S’écartent à regret, sang aux yeux, bave aux dents.
Enfin, las et jappants, s’enfuient vers le couchant.

Lors, l’éléphant, calme et altier,
Vit que pendant la chaude affaire,
L’épine avoit quitté son pied,
Le soulageant de sa misère.
Quant aux morsures, ce n’étoit rien
Aux yeux du colosse d’airain,
Qui repartit d’un pas tranquille,
Marquant son empreinte en l’argile.

***

La leçon vise notre époque,
Et n’a, en soi, rien d’équivoque :

Tel peuple, telle Église, affligés de cent maux
(Ennemis du dehors pour l’un comme pour l’autre),
Feront litière, enfin, de leurs cruels bourreaux
Sous réserve de joindre à toute patenôtre
Le refus absolu de se laisser mourir,
L’absence de pitié pour qui veut les détruire.

Mais ladite morale en appelle encor une :

Avantage suprême,
Cette réaction
Sera, des vrais problèmes,
La vraie solution,
Car c’est bien en nous-mêmes,
Surtout, que nous souffrons.

P.c.c.: Stofflet

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