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Le mouvement communiste
Deuxième partie : Le Mouvement Communiste 6



LE PARTI

Le mouvement communiste est le processus par lequel les forces productives dominées par les rapports de production capitalistes luttent contre ces rapports et finalement les remplacent par d'autres. Ce mouvement met en action aussi bien les moyens de production que le travail productif. On pourrait dire que les premiers déterminent les crises économiques, et le second les crises sociales. Naturellement, ce schéma fausse la réalité car toute crise économique est sociale, et toute lutte sociale a une base économique. En tout cas, le mouvement communiste détermine la nature de la révolution communiste : mais il est aussi la lutte, l'organisation de ceux qui luttent sous le capitalisme pour atteindre un tel but. Comme tout mouvement social, le communisme gagne à lui un certain nombre de personnes qui oeuvrent à son instauration. [97]

Certaines différences le distinguent du mouvement qui conduisit au succès des révolutions bourgeoises. D'abord, le communisme ne peut se développer en tant que tel au sein du monde capitaliste, tandis que le capital prospérait déjà sous l'Ancien Régime. Il est par contre beaucoup plus développé dans son cadre capitaliste que le mode de production capitaliste ne l'était lui-même à l'intérieur des structures féodales. La contradiction est beaucoup plus importante, plus comprimée ( certains secteurs de l'économie pourraient dès maintenant être « communisés » ). C'est pour cette raison que les bouleversements provoqués au sein de la société capitaliste par ses contradictions -- jusques et y compris la révolution communiste --sont beaucoup plus amples et dévastateurs que les secousses qui agitaient le monde féodal travaillé par le capital. Le mouvement communiste est le mouvement qui tend, à partir du système de production créé par le capitalisme, à détruire l'emprise de la valeur. Il se définit avant tout par les tâches qu'il se propose de remplir. Or on ne peut commencer à pratiquer le communisme sous le mode de production capitaliste. Les malheureux qui essaient encore d'organiser des « groupes-pilotes » ou des « contre-sociétés » ne semblent pas avoir plus de succès que leurs prédécesseurs. Le problème des communistes est donc de s'organiser et de tendre à unifier leur activité. En période non révolutionnaire, ils affirment surtout théoriquement [98]   l'intégralité du programme communiste ; et lorsqu'il y a rupture de la paix sociale, ils participent à tous les assauts pratiques contre le capital. [99]   La perspective ultime, la tendance du mouvement, sur le plan organisationnel, est la formation, dans la révolution communiste, d'un regroupement international coordonnant la propagande et l'action communistes dans le monde entier. Une telle tendance ne sera bien sûr jamais réalisée totalement, si ce n'est au moment du triomphe mondial de la révolution ( cf. ce qui est dit plus loin sur la nécessité de la centralisation ).

Certains posent la question : le parti doit-il diriger le prolétariat, et prendre la tête de la révolution ? Les uns répondent : oui, les autres : surtout pas ! C'est le type même du faux problème soulevé par l'ignorance du mouvement communiste. Le terme « direction » recouvre deux réalités. Il y a d'abord et surtout la voie vers laquelle tend objectivement la révolution communiste, le programme social qu'elle remplira ( elle n'est d'ailleurs là que pour le remplir ). Il y a ensuite la direction au sens : ceux qui encadrent et commandent, les « chefs ». La manière dont une révolution résout le problème de ses chefs découle de la voie qu'elle représente et des tâches qu'elle accomplit. La révolution n'aura pas le temps de se laisser obnubiler par le problème de ses chefs, car elle sera trop occupée à remplir sa fonction. Ceux qui ont la meilleure compréhension globale de la nature et des tâches immédiates et générales de la révolution, et aussi les capacités d'organisation nécessaires, se retrouvent à sa tête. Il n'y a pas de direction désignée d'avance et organisée en tant que telle préalablement à la révolution. [100]   Plusieurs groupes existant avant la révolution ou nés dans le feu de l'action viendront constituer le parti communiste. C'est en ce sens la révolution qui organise le parti, et non l'inverse. Il n'empêche que le parti pré-existe à la révolution, mais sous une forme différente, remplissant le rôle essentiellement ( mais pas uniquement ) théorique de défense du programme que l'on a évoqué plus haut. [101]   En tout cas, il n'est pas possible de savoir avant la bataille qui fera ou ne fera pas partie de la direction : cette question est d'ailleurs sans intérêt[102]  

Quoique formé au contact des événements, le parti tendra vers une organisation unifiée, centralisée, et disciplinée : et ce pour une raison qui tient, non à des « principes d'organisation », mais à la nature même de la révolution communiste. Il ne s'agit pas que tout le monde prenne le pouvoir localement, pour administrer son entreprise, sa ville ou son quartier. Il s'agit au contraire que la dictature du prolétariat soit la plus étendue possible, bien sûr, mais aussi la plus unifiée possible, afin d'organiser sur l'échelle la plus vaste, et finalement à l'échelle mondiale, [103]  la circulation des biens sans échange. La révolution communiste sera donc amenée, d'abord à conquérir le plus de terrain possible, et surtout à relier tous les points des « régions libérées » au moyen de la circulation directe des valeurs d'usage. C'est pour cette simple raison qu'une coordination centrale est nécessaire. Le communisme n'a rien à voir avec le principe anarchiste de l' « autonomie » des entreprises et des collectivités locales, principe qui aboutirait d'ailleurs au capitalisme le plus classique s'il était appliqué. Le but de la révolution communiste est d'achever la socialisation du monde, et non de revenir en arrière vers des formes dépassées de la vie sociale.

Le communisme n'est si l'on veut « autogestion » qu'à l'échelle de l'humanité. L'appropriation de la vie sociale, et d'abord de ses moyens matériels, par l'homme ne peut être que collective. Cependant, contre toute métaphysique de il « espèce », on peut d'ores et déjà affirmer que l'humanité ne se réduira jamais à une sorte d'« être » unique, et fera au contraire se libérer les initiatives locales et régionales ( voir plus loin sur l'homme et l'humanité ).

Dire que le parti représente les éléments les plus conscients ne signifie pas qu'il faille apporter cette conscience pour que la révolution ait lieu. Ces éléments sont simplement ceux qui, dans la révolution, y voient le plus clair. [104]   Il n'y aura pas besoin de les placer à la tête des événements, car ils y seront presque tous déjà. [105]   Le problème de prendre la direction des affaires ne peut se poser qu'à une organisation fondée avant la révolution, puis dépassée par elle, et qui essaie ensuite d'en prendre, artificiellement et de l'extérieur, le contrôle. Tel ne sera pas le cas du parti communiste.

Croire qu'il faut ajouter au prolétariat une « conscience » seule capable de lui faire faire la révolution, c'est raisonner dans les termes de la philosophie universitaire traditionnelle la plus arriérée. [106]   C'est imaginer que le prolétariat est un corps auquel il faut apporter une âme, comme si le corps et l'âme, la matière et l'esprit, l'action et la pensée étaient des entités distinctes qu'il s'agit de réunir. [107]   Or justement l'erreur de la philosophie traditionnelle sur l'individu conçu comme dualité âme/corps, devient une absurdité dès lois qu'on l'applique aux mouvements sociaux : un corps social ne peut qu'avoir une « conscience [108] », celle des possibilités et des tâches réalisables à un moment donné, et non une « conscience de classe » en général. Et si le prolétariat n'a pas encore fait la révolution, c'est bien parce que la révolution n'est précisément pas un problème de conscience, mais de maturation de conditions objectives déterminées ( on remarquera chez les « gauchistes » cette pratique qui consiste à distinguer deux sortes d'éléments dans les masses : le type « instinctif » et « spontané », et le type « conscient ». Dès qu'un prolétaire a une trace de théorie, de « conscience », ce n'est plus un prolétaire comme les autres. A lui à son tour d'aller éduquer la masse, ou l'aider à s'auto-éduquer. Faute de pouvoir comprendre où se situe le moteur de la dynamique sociale, on cherche à y substituer l'éducation : c'est toujours la conception d'une partie de la société qui s'élève au-dessus de l'autre ). [109]  

Pour que le mouvement communiste, et avec lui le parti, apparaissent et attaquent le capital, il ne suffit pas de transformations « économiques ». Celles-ci sont toujours l'essentiel, mais médiatisées, transformées, représentées au travers des phénomènes politiques, idéologiques. Ces médiations sont propres à chaque pays, et font intervenir à la fois la particularité de son développement et la manière dont il est déterminé par le rapport de forces à l'échelle de l'ensemble des pays. Par sa généralisation, le mode de production capitaliste ne se contente pas de socialiser le monde : il l'unifie aussi, tout en opposant entre elles ses différentes parties, et tend à rendre identiques ( quant au fond ) les mouvements sociaux des différents pays ( voir Troisième partie, dernier paragraphe ). [110]  

La combinaison de la poussée de la contradiction fondamentale et de son mode spécifique de développement détermine des moments de rupture dans la société, contraignant alors le parti communiste à se former. L'histoire du mouvement communiste est celle de la discontinuité : à travers la succession des phases de révolution et de contre-révolution, le parti est souvent réduit à quelques affirmations théoriques et manifestations pratiques limitées. Mais le parti n'est que l'expression, affirmation souvent dérisoire et cependant essentielle, du caractère communiste du mouvement. [111]   Ce maintien du programme et de la perspective, avant tout théorique, [112]  n'est pas nécessaire parce qu'il « faut » assurer la permanence du mouvement, mais parce que tout mouvement social profond ne peut que s'affirmer de toutes ses forces, gigantesques dans certains cas, infimes dans d'autres, tout au long de son existence et de son développement. [113]  

Certains disent : si nous ne sommes pas indispensables au déclenchement de la révolution, autant se croiser les bras. Ils montrent effectivement ainsi qu'ils ne font pas partie du mouvement communiste. Leur attitude prouve en effet que le moteur de leur activité « révolutionnaire » n'est pas le simple fait qu'ils ne peuvent pas supporter cette société et veulent en instaurer une autre, mais l'idée qu'ils sont indispensables à une transformation sociale. Le communiste, quant à lui, ne se demande pas si son action est « indispensable » ou « inutile ». Il ne peut plus vivre dans la société actuelle, comprend qu'une solution individuelle ne serait qu'illusion, et s'identifie au mouvement communiste. Le parti est indispensable et c'est pour cela qu'il est inutile de chercher à le créer : il s'organise parce que toute révolution regroupe ses éléments les plus actifs.

L'organisation de la révolution est chose nécessaire. Mais la révolution n'est pas un problème d'organisation. Pour comprendre la question de l'organisation, il faut sortir du domaine propre de l'organisation et envisager le contenu social de la révolution communiste[114]   Le problème du parti n'est pas un problème théorique fondamental, comme l'analyse du capital : il en découle au contraire.

C'est pour cette raison que le parti se manifestera différemment dans la révolution communiste future, par rapport à ses formes antérieures, puisque cette révolution présentera des traits distincts de la période des années 20, par exemple ( voir les paragraphes précédents ). Il ne s'agit plus d'organiser les masses pour les faire travailler et développer les forces productives. Cela ne veut pas dire que le mouvement communiste ne crée plus nécessairement une organisation de sa révolution. Mais il n'est plus indispensable d'encadrer les masses -- prolétariennes et autres -- ni d'exercer sur elles une contrainte, même provisoire. Une organisation différente s'impose par là même. Il n'y a plus de place pour un regroupement qui se referme sur lui-même et se détermine comme une totalité par rapport au reste de la classe, avec un « en dedans » et un « en dehors » ( voir Troisième partie : « Révolutions » ) : c'est-à-dire un noyau dirigeant la classe, séparé formellement d'elle ( distinction entre membre/non-membre, possession d'une carte, formalités d'entrée ). Il est maintenant inutile de faire une distinction formelle de ce type entre les « membres » du parti et l'extérieur. Est membre du parti celui qui contribue à l'organisation de la révolution communiste. Il n'y a nul besoin de créer un ensemble délimité cooptant ses membres et retranché dans son exclusivisme. La seule possibilité aujourd'hui est le parti historique ( = composé de ceux qui remplissent une tâche historique donnée : la révolution communiste ), et non le parti formel ( = composé de ceux qui acceptent d'entrer -- le mot même est significatif -- dans une organisation ). [115]  

Les contours du parti n'en sont pas devenus flous, au point que tout le monde en fasse plus ou moins partie. Le critère est tout aussi rigoureux qu'avant. [116]   Mais il est simplement devenu un critère de contenu de l'activité effectuée, et a perdu tout caractère de critère d'organisation ( membre ou pas membre ). Et cela non pas parce que l'ancienne formule a fait faillite, dans un contexte historique qui d'ailleurs le lui imposait ( cf. la transformation rapide des P.C. en agents contre-révolutionnaires ) ; car raisonner ainsi aboutit précisément à chercher la solution au niveau des formes et non du contenu de la dynamique sociale. Si le parti historique s'impose maintenant, ce n'est pas parce qu'il représente une formule organisationnelle meilleure que d'autres, et garantissant contre tout risque de dégénérescence : mais parce qu'il est seul à correspondre au stade actuel de développement social. [117]  

De même, la question de la « discipline » n'est plus d'abord une question d'organisation, mais de mouvement social, qui exige une cohésion et une unité relatives, mais aussi qui les rend possibles par sa propre force. Autrefois, la nécessité de s'imposer au reste de la population entraînait à l'intérieur de l'organisation une discipline quasi militaire. On n'était pas seulement lié par le rôle que l'on y joue, mais le fait même d'y être crée une obligation ( on ne peut pas partir quand et comme on le voudrait, par exemple ). Au contraire le parti est aujourd'hui seulement déterminé par ce qu'il fait ( cf. « Le communisme » ). [118]  

Le parti n'a rien à voir pour autant avec la « démocratie prolétarienne » ou « ouvrière » ( voir « Le communisme » sur la société communiste comme négation de la démocratie ). [119]   Le principe de la démocratie ouvrière suppose que l'on se réunisse ( peu importe le niveau : entreprise, pays, monde ) pour « décider » de ce qu'il faut faire. Or l'évolution historique, y compris le mouvement communiste, n'a jamais pour base une décision, mais des rapports sociaux réels. Par exemple, le, employés des banques et assurances n'auront pas à décider de maintenir ou de liquider ce secteur : car le sort de ce secteur n'est pas une question de décision -- individuelle ou même collective -- mais de mouvement social. La révolution communiste est liquidation de la valeur et donc des banques et assurances : c'est une nécessité sociale inéluctable que la révolution imposera, au besoin contre la « volonté » des employés de ce secteur. [120]   Toutefois, compte tenu de ce que sont les nouvelles couches moyennes, il est probable que la majorité d'entre eux iront dans le sens de la révolution. En tout cas, la décision n'est jamais que la sanction d'un apport préétabli. La délibération est dans sa forme et son contenu le résultat d'un contexte social donné : la décision est toujours le point d'aboutissement d'une dynamique qui la dépasse, et non son point de départ.

Comme tout acte social, la révolution est d'abord un fait pratique, produit par des rapports réels et ( dans une société de classe ) des conflits d'intérêts de classes et de groupes. Croire que l'ouvrier, ou l'ensemble de la classe ouvrière, ou même l'humanité, vont décider de ce qu'ils font, est pur idéalisme. [121]   C'est là une conception de l'histoire héritée du libéralisme et de la Philosophie des Lumières. Celle-ci plaçait l'homme au centre de l'évolution historique : on peut transposer cela au niveau d'un ensemble d'hommes, de la masse, ou même en termes apparemment marxistes de la classe, l'erreur n'en subsiste pas moins. Le moteur de l'histoire n'est pas les décisions d'un homme ou d'un groupe, mais l'ensemble des rapports sociaux ( qui sont aussi, et souvent en premier lieu, des rapports de forces ). A la vérité, c'est encore une manifestation de l'illusion de la « conscience » : pourtant l'histoire et la révolution communiste sont des faits pratiques et non idéologiques. Il était progressif, à l'époque de la révolution bourgeoise, de mettre l'homme au centre du monde. [122]   C'est maintenant purement réactionnaire.

En effet, la révolution bourgeoise dissout les communautés précapitalistes qui subsistaient, et crée l'homme en temps qu'individu, ce qui est devenu de nos jours contre-révolutionnaire ( homme isolé qui vend sa force de travail ). L'exigence posée actuellement par le développement social est celle de l'ensemble des hommes. La révolution capitaliste a mis en place l'homme abstrait ( sur les plans politique, économique, idéologique ); la révolution communiste place l'homme social réel au centre du monde : l'homme dans la communauté humaine. [123]  

Quant au risque de la dictature d'une minorité, ce n'est jamais le mécanisme démocratique qui l'empêchera, mais l'accomplissement radical des tâches communistes. Le parti, les animateurs de la révolution communiste, peuvent parfois être la minorité et imposer la volonté révolutionnaire, sans que le mouvement cesse par là d'être celui de l' « immense majorité » ( Manifeste communiste ). Il n'y a pas de critère formel permettant de dire devant une action entreprise par une minorité ( dans une usine ou ailleurs ) si elle est révolutionnaire ou contre-révolutionnaire. [124]   Par exemple, les piquets de grève sont aussi bien l'instrument d'un syndicat qui veut imposer une grève politique aux ouvriers, que le moyen de lutte d'une poignée de révolutionnaires. Rien de révolutionnaire ne s'est jamais produit démocratiquement, et rien de contre-révolutionnaire n'a jamais été empêché par la démocratie. Par contre, depuis 1917, presque rien de contre-révolutionnaire ne s'est opéré sans avoir recours à un moment ou à un autre à la mystification démocratique. C'est le capital qui tente d'enfermer le prolétariat dans la démocratie. Aujourd'hui, la démocratie c'est la contre-révolution indirecte ( attentisme dans un conflit si l'on veut gagner la majorité dans une consultation démocratique ) ou directe ( élections parlementaires ). Le communisme n'a pas à s'en revendiquer : toute son action est antidémocratique, dans ses buts comme dans ses moyens. [125]  

Enfin la question forme/contenu est tout à fait claire dans l'organisation de la lutte militaire nécessaire. La révolution ne crée pas une organisation armée séparée de la classe universelle en formation. Mais, là encore, tout le monde ne fait pas plus ou moins partie de cette organisation armée. Une organisation militaire non séparée est simplement un regroupement qui n'est rien sans la révolution, qui dépend d'elle sur tous les plans : matériel, idéologique, etc. Au contraire, l'armée traditionnelle se constitue en force au-dessus de la société ( comme l'Etat dont elle fait partie et devient l'élément principal en cas de guerre extérieure ou civile ), et peut éventuellement s'imposer à elle. [126]   Elle dispose donc d'une forte autonomie par rapport à la société dont elle est issue. L'organisation armée révolutionnaire ne vit que par la révolution qui la contrôle, non pas démocratiquement ( par un système de vote ou de renouvellement régulier des effectifs, chacun en faisant partie à son tour ), mais parce que sans cette base l'organisation armée est dépourvue de sa force sociale. Ainsi la révolution fait usage de la violence tout en la contrôlant. [127]  

[97]  En tout état de cause, le parti ne peut qu'accélérer le mouvement social, « abréger la période de gestation » ( préface au Livre I, Marx, Oeuvres/Economie, I, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1963., p. 550 ). Cf. Marx, Engels, La Nouvelle Gazette Rhénane, t. II, 7 Septembre 1848-4 février 1849, Trad. introduction et notes par L. Netter, Ed. Sociales, 1969., p. 97, et Révélations sur le procès des communistes de Cologne, dans Marx, Engels, Textes sur l'organisation, Rassemblés et annotés par Denis Authier, Spartacus, 1970., pp. 6-7. L'un des meilleurs moyens de comprendre la nature et la fonction du parti communiste consiste à lire la correspondance de Marx et Engels.

[98]  Sur « l'apparence de l'agitation », cf. la lettre de Marx à Engels, 13 février 1855, Correspondance Marx-Engels, Publiée par A. Bebel et E. Bernstein, Trad. par J. Molitor, t. IV, A. Costes, 1932., p. 105. En même temps, Marx et Engels sont prêts à « risquer le coup » s'il le faut : lettre de Marx à Engels, 5 mars 1856, id., pp. 161-162.

[99]  Lettre d'Engels à Marx, 13 février 1851, Correspondance Marx-Engels, Publiée par A. Bebel et E. Bernstein, Trad. par J. Molitor, t. II, A. Costes, 1947., pp. 46-49.

[100]  Lettre d'Engels à Starkenburg, 25 janvier 1894, Marx, Engels, Lettres sur « Le Capital » , Présentées et annotées par G. Badia, Ed. Sociales, 1964., p. 411 ; sur les chefs, cf. Marx, Les luttes de classe en France ( 1848-1850 ), Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Ed. Sociales, 1948., p. 90 ; et Marx, La guerre civile en France, 1871, Ed. nouvelle accompagnée des travaux préparatoires de Marx, Ed. Sociales, 1968., note de l'éditeur, P. 15.

[101]  Sur la diversité des formes du parti. voir par exemple Quelques mots sur l'histoire de la Ligue des communistes, dans Marx, Engels, Textes sur l'organisation, Rassemblés et annotés par Denis Authier, Spartacus, 1970., pp. 23 et 27-30.

[102]  Marx, Les luttes de classe en France ( 1848-1850 ), Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Ed. Sociales, 1948., pp. 114-115, sur le parti en France en 1848.

[103]  Marx, Engels, L'idéologie allemande, Présentée et annotée par G. Badia, Ed. Sociales, 1968., p. 67.

[104]  On trouve une bonne illustration de ce phénomène dans l'histoire de l'A.I.T- et le ro^le qu'y jouaient les communistes -- cf. Rubel, « Marx et la Première Internationale. Une chronologie », Cahiers de l'I.S.E.A., no. 152, août 1964, et no. 164, août 1965.

[105]  Marx, La guerre civile en France, 1871, Ed. nouvelle accompagnée des travaux préparatoires de Marx, Ed. Sociales, 1968., p. 63.

[106]  Manuscrits de 1844, Marx, Oeuvres/Economie, II, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1968., p. 132.

[107]  « D'après la Critique critique, tout le mal vient uniquement de la "pensée" des ouvriers » ( Marx, Engels, La Sainte Famille, Trad. Par E. Cogniot, Ed. Sociales, 1969., p. 66 ). Lire aussi les remarques ironiques sur l'esprit et le corps selon Stirner dans Marx, Engels, L'idéologie allemande, Présentée et annotée par G. Badia, Ed. Sociales, 1968., pp. 146 suiv.

[108]  Lettre de Marx à Ruge, septembre 1843, Marx, Engels, Textes ( 1842-1847 ), Spartacus, 1970., p. 46 : « La conscience est une chose qu'il doit acquérir, quand même il s'y refuserait. »

[109]  Marx, Engels, La Sainte Famille, Trad. Par E. Cogniot, Ed. Sociales, 1969., p. 48.

[110]  En 1845, Marx et Engels affirment que l'on se trouve déjà « sur le plan de l'histoire mondiale » ( Marx, Engels, L'idéologie allemande, Présentée et annotée par G. Badia, Ed. Sociales, 1968., p. 63 ).

[111]  Très tôt Marx et Engels insistent sur la tâche de clarification et d'« élimination de toute phraséologie » masquant les antagonismes ( Marx, Engels, L'idéologie allemande, Présentée et annotée par G. Badia, Ed. Sociales, 1968., p. 517 ).

[112]  « Le côté théorique est pour le moment notre seule force » ( lettre d'Engels à Marx, 26 novembre 1847, Correspondance Marx-Engels, Publiée par A. Bebel et E. Bernstein, Trad. par J. Molitor, t. I, A. Costes, 1947., p. 141 ).

[113]  « Ils n'ont qu'à se rendre compte de ce qui se passe devant leurs yeux et s'en faire l'organe. » ( Misère de la philosophie, Marx, Oeuvres/Economie, I, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1963., p. 93. ) Cf. aussi Manifeste, id., p. 171.

[114]  Les tâches varient selon la période : par exemple, c'est toujours en fonction de nécessités pratiques réelles qu'il importe de faire régner la « discipline ». Cf. Lettre de Marx à Engels, 18 mai 1859, Correspondance Marx-Engels, Publiée par A. Bebel et E. Bernstein, Trad. par J. Molitor, t. VI, A. Costes, 1932., pp. 47-48 et 53-54. La théorie et la pratique, même il limitée sont alors clairement délimitées par rapport à tous les sympathisants et compagnons de route.

[115]  Quelques mots sur l'histoire de la Ligue des communistes, Marx, Engels, Textes sur l'organisation, Rassemblés et annotés par Denis Authier, Spartacus, 1970., pp. 33-34. La distinction parti formel/historique est exposée dans le no. 1 d'Invariance. On trouve déjà la notion d'« organisation formelle » chez Marx : cf. lettre à Sorge du 27 septembre 1873, Marx, Engels, La Commune de 1871, Lettres et déclarations pour la plupart inédites, Trad. et présentation de R. Dangeville, U.G.E., 1971., p. 239; aussi lettre de Marx et Engels au président du meeting slave sur la Commune ( 1881 ), id., p. 264; et l'article d'Engels, 17 mars 1886, id., p. 265.

[116]  Lettre d'Engels au Comité de Bruxelles, 23 octobre 1846, Correspondance Marx-Engels, Publiée par A. Bebel et E. Bernstein, Trad. par J. Molitor, t. I, A. Costes, 1947., pp, 69-70.

[117]  D. Authier, préface à Trotski, Rapport de la délégation sibérienne, Spartacus, janvier-février 1970, p. 11, note 1.

[118]  Cf. « Organisation et discipline communiste » ( 1924 ), Le fil du temps, no. 8. Voir aussi la lettre d'Engels à Terzaghi, 14 janvier 1872, Marx, Engels, La Commune de 1871, Lettres et déclarations pour la plupart inédites, Trad. et présentation de R. Dangeville, U.G.E., 1971., p. 218.

[119]  Marx, Engels, La Commune de 1871, Lettres et déclarations pour la plupart inédites, Trad. et présentation de R. Dangeville, U.G.E., 1971., note 168.

[120]  Cf. ce que Marx appelle « la procédure accélérée à l'égard de tous ceux qui freinent le mouvement révolutionnaire » ( Marx, Engels, La Nouvelle Gazette Rhénane, t. I, 1er Juin-5 Septembre 1848, Trad. introduction et notes par L. Netter, Ed. Sociales, 1963., p. 300 ).

[121]  « Il ( Stirner ) croit que les individus qui font une révolution sont unis par un lien idéologique » ( Marx, Engels, L'idéologie allemande, Présentée et annotée par G. Badia, Ed. Sociales, 1968., p. 418 ).

[122]  Introduction générale à la critique de l'économie politique, Marx, Oeuvres/Economie, I, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1963., pp. 235-236. Marx montre bien que, dans les faits comme dans les idées, l'« homme » conçu comme individu est un produit historique, apparaissant à un moment déterminé, et non une donnée éternelle, inscrite dans la nature de l'homme, et dont l'existence aurait été découverte entre les XVIe et XVIIIe siècles.

[123]  Invariance, no. 5 : « L'individu et la théorie du prolétariat. »

[124]  Cf. Buonarroti cité par Dangeville dans Marx, Engels, La guerre civile aux Etats-Unis ( 1861-1865 ) , Trad. et présentation de R. Dangeville, U.G.E., 1970., note 129.

[125]  « Parce qu'ils ne voulaient pas laisser planer sur eux le doute d'avoir usurpé le pouvoir, ils [les communards] perdirent un temps précieux du fait de l'élection de la Commune, dont l'organisation, etc., coûta beaucoup de temps, alors qu'il eût fallu foncer directement sur Versailles après la défaite des réactionnaires à Paris » ( lettre de Marx à W. Liebnecht, 6 april 1871, Marx, Engels, La Commune de 1871, Lettres et déclarations pour la plupart inédites, Trad. et présentation de R. Dangeville, U.G.E., 1971., p. 131 ).

[126]  Marx, Engels, Ecrits militaires, Violence et constitution des États européens modernes, Trad. et présenté par R. Dangeville, L'Herne, 1970., p. 445.

[127]  Marx, Engels, Ecrits militaires, Violence et constitution des États européens modernes, Trad. et présenté par R. Dangeville, L'Herne, 1970., p. 77, note 67. Il y a là tout un domaine que le mouvement révolutionnaire se ré-approprie pratiquement et théoriquement. Entre autres, on peut lire avec intérêt 1871. La Commune et la question militaire, U.G.E., 1971 ( textes de Rossel, Cluseret, Blanqui ), et les articles ( très insuffisants ) de Socialisme ou barbarie, no. 3 et 5-6 : « La guerre et notre époque. »



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