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Le mouvement communiste
Première Partie : Définition Du Capital 8.

 

LA CONTRADICTION FONDAMENTALE
On parle des contradictions du capitalisme. En fait, cette question se décompose en deux. D'une part, le système engendre des impossibilités de fonctionner « normalement », d'où des récessions, dépressions, crises localisées ou plus ou moins généralisées, des événements qui marquent toute une époque historique (1929) ou qui se limitent à un espace et un temps socio-politiques restreints (crise monétaire de 1968-1969 en France). Et d'autre part, il y a ce qui, non seulement secoue le système, mais permet et rend nécessaire le passage à un autre mode de production; le communisme. L'important n'est pas de tracer une frontière entre les deux, mais de voir leurs rapports  [76]. La crise sociale « finale » est le produit de la même contradiction que celle qui provoque les crises dites périodiques : dans ces dernières, la même contradiction, que l'on appellera fondamentale, manifeste son immaturité, l'insuffisance de son développement, c'est-à-dire du développement du capital, des forces productives. Cette contradiction fondamentale est l'opposition valorisation/dévalorisation  [77]. Elle se manifeste, soit par des phénomènes qui perturbent le système sans l'abattre, soit par sa destruction : la révolution communiste. La contradiction fondamentale fait croître pour cela le double mouvement expliqué au paragraphe précédent. Cela ne veut pas dire qu'il faille négliger les crises dues à la baisse du taux de profit et à la surproduction. Il s'agit seulement de les mettre à leur place par rapport au cycle d'ensemble du capital et de la valeur  [78].
La valeur d'usage et l'acte productif proprement dit sont d'abord conditions et présuppositions de la valeur d'échange (transition de la communauté primitive à l'économie marchande). Ils sont ensuite domestiqués par elle (économie marchande simple développée et surtout économie capitaliste). Mais finalement la valeur développe la production -- ou, plus exactement, aide et contraint la production à se développer -- jusqu'au stade où la production peut et doit se passer d'elle et s'en débarrasser. La racine de la contradiction fondamentale doit donc être cherchée dans la production  [79] : c'est parce que le rapport entre le capital constant et variable, le travail nécessaire et le surtravail, se transforme, que la production tend à faire éclater l'ensemble du mécanisme, au niveau de, l'unité des deux procès constitutifs du capital (de valorisation et de travail réel), de l'unité valeur d'usage/valeur d'échange  [80]. Si le capital fixe en vient à rendre caduc le principe de la valeur, c'est parce que la structure même de la production a été bouleversée. Il est vrai que la production ne saurait exister sans l'ensemble du système (que domine la valeur). Mais l'ensemble du système ne pourrait pas disparaître sans la transformation qui s'opère dans la production, dans le procès de travail, entre ses éléments : dans les forces productives, par conséquent dans la valeur d'usage, dont on voit ainsi toute l'importance.
Le capital est une structure contradictoire. Cela ne l'empêche pas d'exister : mais il doit en payer le prix (crises périodiques  [81]  ). Il ne disparaît que le jour où sa contradiction est devenue impossible. Elle doit alors disparaître, mais en éliminant sa cause : le capital, d'où la crise « finale » (révolution communiste). La contradiction fondamentale oppose en dernière analyse les rapports de production (capital et valeur) aux forces productives (moyens de production { = capital fixe} et force de travail {comme, par définition, le capital fixe n'est que du travail mort, le rôle actif dans la révolution incombe à la force de travail, à ceux qui représentent le travail vivant = le prolétariat}). Cette opposition plonge ses racines dans le développement des forces productives elles-mêmes.
[76] Marx fait explicitement le lien entre surproduction, surpopulation et la « caducité » de la valeur : Marx, Fondements de la critique de l'économie politique (Ebauche de 1857-1858), En annexe : travaux des années 1850-1859, Trad. par R. Dangeville, t. II, Anthropos, 1968., pp. 224-225 ; voir aussi Marx, Fondements de la critique de l'économie politique (Ebauche de 1857-1858), En annexe : travaux des années 1850-1859, Trad. par R. Dangeville, t. I, Anthropos, 1967., p. 280.
[77] Marx, Fondements de la critique de l'économie politique (Ebauche de 1857-1858), En annexe : travaux des années 1850-1859, Trad. par R. Dangeville, t. I, Anthropos, 1967., pp. 290 et 339.
[78] Livre III, Marx, Oeuvres/Economie, II, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1968., pp. 1477-1480.
[79] Il en est de même en théorie : « La véritable science de l'économie moderne n'apparaît qu'au moment où l'analyse théorique passe du processus de circulation au processus de production. » (Marx, Oeuvres/Economie, II, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1968., pp. 1104-1105; aussi Marx, Fondements de la critique de l'économie politique (Ebauche de 1857-1858), En annexe : travaux des années 1850-1859, Trad. par R. Dangeville, t. I, Anthropos, 1967., p. 201.)
[80] Livre III, Marx, Oeuvres/Economie, II, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1968., pp. 1002-1003.
[81] Hilferding, Le capital financier, Ed. de Minuit, 1970, chapitres XVI et XVII.

 

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