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« Bilan » Contre-Révolution en Espagne - Présentation (12)


LE CENTRISME

Dans le débat sur l'Espagne, Bilan se trouve confronté à deux sortes d'adversaires. Les uns relèvent du mouvement révolutionnaire, malgré divers défauts, et sur certains points ils voient plus juste que Bilan. Les autres appartiennent à ce qu'on peut appeler le centrisme. Ce terme demande à être précisé. Dans les années trente, la gauche italienne, comme Trotsky, désigne par « centrisme » les P.C., selon l'idée que Staline représenterait une ligne conciliatrice entre la gauche ( Trotsky ) et la droite ( Boukharine ) en politique intérieure russe comme en politique extérieure. Cette idée participe du refus trotskyste ( longtemps partagé par Bordiga [32]  ) de se prononcer sur la nature capitaliste de la Russie, ainsi que sur son orientation : la ligne stalinienne serait un équilibre entre la bourgeoisie et le prolétariat en Russie, et entre le capital mondial et la défense des « acquis d'Octobre » sur le plan international. Il en découle une incapacité à comprendre la fonction des P.C., jugés surtout « opportunistes ».

En fait, le terme « centrisme » était d'un usage fréquent parmi les révolutionnaires après 1914, désignant le centre zimmerwaldien ( qui voulait bien lutter contre la guerre mais rejetait le défaitisme révolutionnaire, comme les spartakistes ), puis ceux qui se démarquaient de la IIe Internationale sans aller jusqu'au communisme. Pour la gauche allemande, c'est la majorité de l'I.C. qui est centriste, puisqu'elle prône le parlementarisme, le syndicalisme, les partis « de masse », etc. Le P.C. d'Italie, puis la gauche italienne, qui restent beaucoup plus longtemps dans l'I.C., en jugent autrement, au moins jusqu'à la victoire de Staline dans le P.C. russe ( 1926 ).

A partir de la fin des années vingt, une série de scissions secoue les partis socialistes et staliniens. Elles s'opèrent d'un point de vue tactique ( au premier chef l'incapacité des P.S. et P.C. à résister au fascisme ) sans vision globale. On fait comme si la ligne était fausse, alors que c'est l'organisation elle-même qui est anti-révolutionnaire, et même quand elle suit une politique suicidaire ( comme en Allemagne ), ce n'est pas une aberration. Les groupes ou partis issus dé ces scissions font partie de l'horizon théorique et politique de l'époque. De nos jours, le « centrisme » serait représenté par toutes les formes de gauchisme, c'est-à-dire de fixation de révoltes et de mouvements confus sur des points partiels, inoffensifs pour le capital. Souvent les groupes centristes prennent aussi en charge des revendications réformistes négligées ou même combattues par les organisations syndicales et politiques officielles.

Le centrisme est ce qui sort du « mouvement ouvrier » intégré sans évoluer vers les positions révolutionnaires, restant à mi-chemin, contribuant à fixer les prolétaires sur des voies de garage, voulant faire pression sur le mouvement ouvrier officiel considéré malgré tout comme la vraie organisation de « la classe ». Traiter les P.C. de centristes et de traîtres, comme le fait Bilan, c'est partager une telle illusion. Au sens strict, le « centrisme » espagnol, c'est le P.O.U.M. et la gauche de la C.N.T.

 
Notes
[32] Cf. sa lettre à Korsch du 28 octobre 1926, in Invariance, 1re série, no. 10, pp. 67-70.

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