TRIBUNE LIBRE
L'offensive faite à l'Italie, ou "Le grand air de la Tasca"

Je n'ai pas de sympathie particulière pour le sieur Silvio Berlusconi, ce  bellâtre gominé qui est à la politique italienne ce que l'op"rette est à la  Scala de Milan. Le problème c'est que ce personnage, qui relève plus de la  presse " people " que du " Monde diplomatique " ou de la revue " Esprit ", est  le Premier Ministre en exercice et très démocratiquement élu de nos voisins italiens. 

Son élection ne souffre donc aucune contestation et si même elle n'a été, pour  partie, que le rejet par les Italiens d'une classe politique corrompue depuis  des décennies, elle implique de la part de ses partenaires européens le strict respect du suffrage universel.

Tous l'ont parfaitement compris… Sauf bien sûr le gouvernement français qui, en  vertu d'un sectarisme absolument incroyable en cette année de grâce 2002, a cru  devoir infliger un camouflet sans précédent à nos cousins transalpins. Que la  politique de Silvio Berlusconi ne soit pas totalement en phase avec celle de  Lionel Jospin, on en conviendra sans peine, mais qu'une sous-ministre de la  Culture, en l'occurrence Mme Catherine Tasca, se permette - à l'occasion d'une  très importante manifestation culturelle comme le Salon du Livre consacré à  L'Italie et organisée à Paris en collaboration avec nos amis italiens -de dire  tout le mal qu'elle pense de Mr. Berlusconi, au point non seulement d'inciter ce dernier à boycotter la manifestation, mais plus encore d'être indirectement à l'origine de manifestations d'hostilité à l'égard de l'Italie et de son gouvernement, pour aboutir à l'annulation pure et simple de la participation  italienne, est proprement scandaleux.

Imagine-t-on ce qui se serait passé si, à l'inverse, en Italie, des  manifestants italiens, nourrissant peu de sympathie pour Mr. Jospin et les  siens, avaient perturbé une exposition Française au Salon du Livre de Rome ou  une manifestation culturelle franco-italienne à la Villa Borghèse ? Quel  scandale, quelle offense faite à "notre fameuse exception culturelle" et plus  encore à nos reprйsentants de la Gauche bien-pensante ! Nul doute que " Télérama  ", et une bonne partie de la Presse seraient montés sur les barricades pour  crier au fascisme et à l'agression culturelle ….

Or, à Paris rien de tout cela : Quelques entrefilets dans la Presse parisienne  puis plus rien. Il est vrai que nous sommes en période électorale et que les  grands médias ont " du grain à moudre " par ailleurs. Par contre, il eut été pour le moins naturel que Mme Tasca (qui n'en est pas à sa première incartade de  ce genre) se fit tancer, comme il se doit, dans un pays démocratique et soucieux du respect de ses partenaires, pour avoir tout simplement outragé nos amis italiens. Il fut un temps où les hommes politiques (ou les femmes) avaient encore un certain sens de l'honneur et des convenances. Mme Tasca a dû oublier ses classiques…

Il reste que du côté, tant du Président de la République que du Premier Ministre, l'on a fait montre d'une bien coupable tolérance. Dans d'autres pays, la démission de la coupable eut été exigée voire imposée. Dans la France de ce début de millénaire, foin de ces contingences diplomatiques un peu surannées… Mme Tasca, qui nous a joué le grand air de la vierge outragée par les "caresses" malhabiles de Silvio Berlusconi, aurait-elle oublié ce que notre culture doit à l'Italie et ce que notre pays tout entier doit aux Italiens et ce depuis Rome. Ce manquement à la courtoisie et à la plus élémentaire reconnaissance de notre dette envers la patrie de l'Art et de la Culture, au sens plein du terme, est indigne.

Mais sans doute Mme Tasca songe-t-elle déjà, son coup réussi, à convier au  prochain Salon du Livre en qualité d'invité d'honneur, Fidel Castro et Cuba.  Histoire de pouvoir enfin dialoguer avec un vrai démocrate….

En souhaitant aussi que le gouvernement italien ne se décide pas à laver  l'affront qui vient de lui êкtre fait en nous rappelant, sournoisement, qu'il nous a fallu inventer Astérix pour masquer nos défaites devant César…

Yves LOUYS

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