Pour la Révolution Culturelle...!

 

Robert DUN

 

Le Message du Verseau

 


 

Face aux menaces apocalyptiques du présent et au désespoir philosophique qui englue tous les efforts, Robert Dun propose le message nietzscheen. Contrairement à presque tous les exégètes de Nietzsche, il met en lumière les courants positifs de ce message, leur cohérance et leur convergence. Contrairement encore aux poncifs universellement répandus, ce nŽest pas parmi les nostalgiques des dictatures quŽil voit poindre les enfants de Zarathoustra, mais parmi les marginaux partis à la recherche du "chant des choses nécessaires, lŽunique et irremplaçable melodie":

 


 

On ne résume pas Nietzsche. Je n'ai voulu vous donner que le fil d'Ariane de son message. Mais pour comprendre celui-ci, il ne suffit pas de le lire; il faut aussi le vivre, le vivre en catharsis et en engagement.

Si vous avez compris que Nietzsche est un prophète, qu'il vous offre un panorama et une espérance de dimensions religieuses, qu'il transpose dans le futur de notre propre monde les promesses que les religions de la fatigue placent dans des mondes hypothétiques, qu'il propose une ascèse difficile, mais joyeuse, qu'il donne la plus grande richesse possible à votre vie terrestre, alors vous en savez dèjà plus long sur lui que bien des commentateurs, ennemis ou amis.

 

Nous ne cherchons pas, le pouvoir politique dans le monde actuel. Si on nous l'offrait, nous répondrions comme Héraclite que les hommes ne sont pas dignes d'être gouvernés par nous. Nous avons placé une transformation de l'homme comme démarche initiale indispensable à notre révolution et nous savons bien que seul un petit nombre d'hommes est apte à se transformer. Il s'agit de créer une élite et, par celle-ci, de créer une société réelle au sein de la société moribonde.

 

Ce que nous avons cité sur la procréation et le mariage montre que les femmes sont aussi concernées que les hommes par l'exhortation de mise en marche vers la lointaine Surhumanité. C'est pourquoi nous voulons examiner ici la prétendue misogynie de Nietzsche et les trois phrases qui lui sont le plus reprochées:

«L'homme doit être élevé pour la guerre et la femme pour le délassement du guerrier. - Chez la femme tout est énigme. Mais il y a un mot à cette énigme: ce mot est grossesse. - Tu vas voir les femmes? N'oublie pas le fouet».

Voilà, certes, de quoi déchaîner l'hystérie de toutes les militantes de l'asexualité. Car elles ne peuvent trouver dans ces trois phrases que la femme-jouet, la femme inconsciente, la femme-esclave. Mais comment une femme jouet, inconsciente et esclave pourrait-elle être appelée à cette «volonté de créer à deux l'unique qui est plus que ses créateurs»? Il faut sans doute y regarder de plus prés... Le «Gai Savoir» va nous venir en aide: «On ne peut penser trop haut de la femme; ce n'est pas une raison pour penser d'elle faussement». Le méme ouvrage parle avec admiration de ces malheureuses dont on démonise le sexe, qu'on accuse d'avoir fait chuter l'homme, à qui on montre l'épanouissement supréme de leur vie, la maternité, comme pénitence. Quelles ressources ont-elles du trouver en elles-même pour ne pas sombrer dans le désespoir et la folie!

Il ne faut pas oublier que Nietzsche était contemporain de l'époque victorienne, point culminant du puritanisme qui a sécrété ses antidotes: Nietzsche et les psychanalistes. Le refoulement chretien dans l'enseignement et les moeurs avait alors une étouffante puissance.

Délassement du guerrier? Ei pourquoi pas? La femme n'a nullement besoin d'être futile pour être délassante. Il lui suffit d'être elle-méme: la vie, la promesse de vie et la mère, la mère pour l'homme aussi car «mieux que l'homme, la femme comprend les enfants; mais l'homme est plus enfant que la femme. Cherchez-moi l'enfant dans l'homme!» Et voilà inversée l'accusation de futilité!

Sur le prob1éme de la grossesse, il y aurait des livres à écrire. Faisons seulement remarquer que ni dangers, ni famines, ni perspectives d'avenir effrayantes n'influent sensiblement sur cet instinct qui, même chez les femmes les plus lucides, ne cède à la raison qu'au prix d'un refoulement et de troubles organiques.

La femme-esclave? A la demande d'une vieille femme, Zarathoustra vient de montrer quelles puissances, quels dangers, quelles capacités de don et de sacrifice sont contenus dans la femme. Ces qualités sont le contraire de la femme objet. Et c'est la vieille femme qui prononce la «petite verite espiègle comme un petit enfant et qui crierait trop fort si on ne lui fermait pas la bouche». Cette vieille femme n'accable pas son sexe; elle met seulement le visionnaire en garde contre l'oubli de l'envers de la médaille. Car il y a un envers: terre et eau, la femme a une tendance à l'inertie, à l'immobilisme; les partis conservateurs le savent bien et donnent pour cela le droit de vote aux femmes; tous les militants ouvriers savent également que les femmes sont des briseuses de grèves bien plus dangereuses que la police, qu'elles retiennent les hommes dans la lutte des classes; mais il y a surtout chez la femme un conflit interne à cause duquel elle appelle l'homme au secours contre elle-méme: celui de la séduction et de la maternité. Remarquons qu'il n'y a là aucune vocation esclavagiste, car c'est la femme archétypique, la plus haute, qui se défend contre les limitations de l'ego inférieur. La séductrice a tendance d'une part à refuser la maternité, d'autre part à détourner le màle de ses responsabilités. Elle est donc un danger pour sa moitié-mère et se ressent comme telle. Ces contradictions sont naturellement moins graves chez la femme libérée des complexes chrétiens qui les refoulent dans son inconscient et les font ainsi echapper à son contrôle. IŽl faut seulement regretter que tant de femmes tombent dans la fausse liberation de la masculinisation et de l'asexualité, s'infligeant ainsi les pires refoulements et esclavages.

C'est donc ensemble que l'homme et la femme doivent faire le «pays de leurs enfants» et préparer la mutation surhumaine. Mais cette oeuvre exaltante ne peut-être menée à bien par quelques couples isolés. Il y a des lois de cybernétique et de catalyse de l'histoire comme il y en a pour les phénomènes physiques. Il faut un nombre minimum sans lequel nos efforts s'enliseront dans le doute et le découragement, sans lequel nous ne serons qu'une secte de plus et non des embryons de l'avenir.

C'est à ce premier regroupement minimum que reviendra la tâche d'élaborer le contrat social du socialisme libertaire post-apocalyptique. Il faudra respecter à la fois le besoin d'intégration sociale bafoué par le capitalisme, et le besoin de liberté d'initiative méconnu par le Marxisme. Toutes les complications artificielles de la décadence doivent être balayées.

Il ne convient pas ici d'aller au-delà de ces généralités. Nous ne voulons pas retomber dans l'erreur du schéma-miracle et universellement applicable. Nous n'oublions pas que toute vérité sociale est relative à une situation et que la decadence des cultures est un phénomène aussi naturel et indispensable que le vieillissement des individus.

Si vous en avez marre de n'avoir le choix qu'entre le matérialisrne angoissant, les narcotiques, les Eglises agnostiques et moribondes ou los sectes farfelues,

si vous refusez non seulement de mourir idiot, mais aussi de vivre et de mourir impuissant,

alors à vous de jouer...

A vous de donner au message la force irrésistible d'une réaction en chaîne; à vous de former partout les cellules et de tisser le réseau silencieux de la révolution culturelle.

 


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