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Un Monde Sans Argent : Le Communisme
VI. Au-dela de la politique



LE CIRQUE ÉLECTORAL

Si vous vous en prenez à la démocratie, vont nous répondre les esprits subtils, c'est parce que vous savez qu'elle vous condamnerait.

Nous n'avons pas d'illusions. Il est sûr que le système fonctionnant normalement nous serions battus à plats couture. Notre programme ne serait peut-être pas considéré comme antipathique par la plupart des électeurs mais il serait certainement jugé irréalisable. Ce n'est qu'en se niant comme électeurs qu'ils pourraient commencer à entrevoir la possibilité de sa réalisation.

Si la politique est l'art du possible, comme on dit, nous nous situons en dehors de ce possible-là.

Messieurs les électoralistes et les démocrates, êtes-vous prêts à interroger la population sur certaines questions et à en tenir compte ? Vous qui êtes les laquais du capital, êtes-vous prêts à organiser un référendum pour savoir si il faut maintenir ou non le capitalisme ? Il y a une multitude de questions que vous vous arrangerez pour ne jamais poser. Elles sont éliminées à l'avance comme irréalistes. C'est vous qui déterminez ce qui est possible ou non. Cela ne vous suffit encore pas. Il faut que vos programmes et vos prévisions réalistes ne soient jamais appliqués.

L'état vit grâce aux impôts des citoyens. Il est géré grâce à leur suffrage. Si sa politique devait être approuvée et soutenue directement par l'acceptation ou le refus du paiement des impôts par les particuliers elle risquerait de perdre beaucoup de partisans. Lorsqu'il paie le citoyen a l'impression de se faire avoir. Lorsqu'il vote, lui qui autrement n'a qu'à la fermer, il est flatté qu'on sollicite son avis.

Il y a dissociation entre d'une part la gestion réelle du système et les couches de fonctionnaires qui s'en occupent et d'autre part la politique des partis, la politique-spectacle.

La démocratie électorale sert à cacher le fait que les décisions importantes échappent aux électeurs et même aux politiciens.

La réalité politique et électorale est de plus en plus imbibée par la marchandise. La démocratie apparaît comme le reflet direct du monde économique. L'électeur n'est même plus le citoyen mais le consommateur de programmes et d'idéologies. Le spectacle de la politique et ses moments privilégiés que sont les élections doivent être dénoncés pour ce qu'ils sont : une façon parmi d'autres de faire oublier au peuple qu'il n'est rien.

Parfois il arrive que les gens prennent les menteurs au mot. Pour des élections refusées ou pour ce qui leur parait une victoire électorale ils commencent à s'insoumettre. Cela ne relève plus de la réalité électorale.

Nous ne préconisons pas la participation aux élections, et encore moins l'abstention. Lorsque les prolétaires votent ils ont, sinon raison, tout au moins leurs raisons. Ce rituel n'apparaîtra vraiment illusoire, ridicule et lamentable que lorsque l'ensemble des conditions de vie commencera à se transformer véritablement. En attendant il a sa place dans le reste de la panoplie.

Dans une organisation communiste il peut bien y avoir des élections. On y désigne des délégués. Mais l'élection n'apparaît plus comme un moment spécial. L'élu ne dispose pas d'un blanc-seing. Il remplit une fonction parmi d'autres et pas plus sacrée qu'une autre. En désignant telle personne ou telle équipe ou en approuvant après coup leur action le groupe de base ne fait que se donner des garanties quant à l'application de son programme. Ce qui compte ce n'est pas la procédure de désignation mais l'action réellement menée.

La constitution des conseils ouvriers n'a pas pour préalable une consultation électorale générale. Il ne s'agit pas de libérer une zone pour y organiser des élections qui ne seraient reconnues valables que par les organisateurs, comme c'est la coutume. A ce sujet l'on a le mauvais exemple de la Commune de Paris.

Même si dans ce genre de situation des élections pouvaient être organisées sérieusement cela ne ferait que dissocier décision et action et faire renaître les professionnels de la politique. Des élections supposent que les électeurs soient répertoriés et mis en carte.

La mise en place d'une administration par le biais d'élections présuppose l'existence de cette administration ! Ce ne sont pas le pouvoir et l'état qui naissent des élections mais l'inverse.

Les organisations révolutionnaires de masse se constitueront et se renforceront en fonction dés tâches pratiques. Elles naîtront de l'action d'une minorité. On ne va pas voir soudain 51 % de la population se précipiter au même instant vers le même but. Cette minorité agissante se distinguera par le fait qu'elle n'organisera pas le reste de la population mais tendra à l'associer à la résolution des problèmes de tous. De sa capacité à faire participer bien plus de 51 % de la population dépendra son succès.

Le communisme ne peut s'établir au moyen d'un putsch. Ayant contre lui le pouvoir d'état et ses instruments de répression le communisme ne peut vaincre que si il arrive à développer la participation plus ou moins active d'une grande partie de la population et à isoler comme adversaire une minorité infime.

La révolution prolétarienne, en brisant les chaînes du salariat, permettra et exigera une participation des masses sans comparaison possible avec celle des révolutions politiques bourgeoises. Même quand ces révolutions ont été des révolutions populaires. Ces révolutions populaires dont les démocrates se réclament n'ont pas été décidées démocratiquement. En 1789, si l'on avait donné aux Français le choix, auraient-ils voté pour la révolution ? En réalité c'est à partir du caractère dépassé des privilèges des nobles qu'une fraction de la population s'est dressés. Poussée par les succès et les conséquences de ses actes elle est progressivement venue à bout d'un système vermoulu.

Le parti communiste n'entraînera l'écrasante majorité de la population que lorsque le communisme apparaîtra pomme le moyen immédiat de résoudre les problèmes de la vie quotidienne. La révolution ne surgit pas parce que suffisamment de gens seraient devenus révolutionnaires. Les gens deviennent révolutionnaires parce que la révolution apparaît, parce qu'il leur semble possible et nécessaire de vivre autrement.

Aujourd'hui, alors que tous les éléments de la voûte sociale se soutiennent, la disparition de l'argent semble impossible. Ceux qui la préconisent passent pour de doux rêveurs. Pour peu que les mécanismes marchands s'enrayent, continuer à dépendre de l'argent pour son ravitaillement passera pour une acrobatie imbécile. On se ralliera au communisme non par idéologie ou même par dégoût de la société agonisante mais par un simple besoin vital. Il faudra alors se défendre des opportunistes incapables d'avoir des perspectives à long terme qui chercheront à tirer un avantage immédiat et personnel de la situation.

Pourquoi, si nous considérons que la révolution doit s'appuyer sur la plus large participation possible, ne pas nous déclarer démocrates ? Cela embarrasserait peut-être certains de nos adversaires et nous attirerait peut-être quelques amis. Mais justement, nous ne sommes pas des politiciens, un ralliement superficiel est plus embarrassant qu'utile. Il nous faut être clair pour pouvoir rassembler et orienter nos partisans sur des bases solides. Quant à nos véritables adversaires, nous ne voulons pas leur faciliter la tâche, mais de toute façon peu leur importe ce que nous disons et voulons véritablement. Soit ils ne comprennent pas, soit ils calomnient quitte à picorer quelques idées chez les révolutionnaires pour égayer leur programme.

La démocratie serait le pouvoir du peuple, le pouvoir de tous. La révolution communiste n'entend pas changer la forme du pouvoir ou le donner au peuple. Elle veut le retirer à tout le monde.

Le pouvoir a toujours besoin d'une légitimation extérieure à lui-même. Dieu pour la monarchie, le peuple pour la démocratie couronnée ou républicaine. Le peuple a-t-il plus de réalité que Dieu ? Non, Dieu est un personnage, une incarnation remplie d'humanité, tandis que le peuple tend à n'être qu'une pure abstraction de l'humanité. Ce peuple que l'on invoque pour cautionner l'état n'est que son reflet. Entre ce peuple en idée, ce peuple politique et le peuple réel, divers, vivant, bête ou intelligent, qui se manifeste dans la vie de tous les jours, il y a un monde.

Ce n'est pas la politique qui exprime et incarne les idées et les volontés des humains, ce sont ceux-ci qui deviennent le support d'opinions politiques. Ils deviennent des abstractions eux-mêmes quand électeurs ou militants ils vont confesser ces opinions.

Pourquoi les communistes qui veulent en finir avec l'exploitation et les guerres ne renoncent-ils pas à la contrainte et aux procédés dictatoriaux ?

Croit-on que les classes dominantes vont renoncer à utiliser ces moyens ? Croit-on que dans une période de bouleversement les états les plus démocratiques ne vont pas mettre leurs beaux principes au rancart ? Les possédants, les privilégiés, les serviteurs de l'ordre les plus libéraux prétendront peut-être se battre pour la démocratie. Ils ne mettront pas en avant la défense de leurs véritables intérêts. Mais il y a peu de chance qu'ils se battent démocratiquement.

C'est en fonction d'une situation de crise qu'il convient de comparer méthodes bourgeoises et méthodes révolutionnaires. Il est hypocrite d'opposer le comportement des états bourgeois les plus démocratiques en temps de paix et le comportement des révolutionnaires en période troublée. Il y a toutes les chances qu'en temps de crise les révolutionnaires se montrent plus humains et plus démocrates que les défenseurs de l'ordre.

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